À Saint-Sébastien, on supporte la Real Sociedad et personne d’autre. Le club ne cache pas sa fierté quant à ses racines basques. Le derby de la région face à l’Athletic Club est un rendez-vous incontournable aux yeux des supporters. Les joueurs de la Real sont surnommés les txuri-urdin, ou «bleu-blanc» en basque, en référence aux couleurs de l’équipe tirées du drapeau de Saint-Sébastien. Son centre de formation a toujours été cajolé au sein du club. Au milieu du XXe siècle, il fallait être Basque pour jouer à la Real, qui a progressivement adouci sa politique pour s’en détacher totalement aujourd’hui.

Vitesse, mouvement et agressivité : voilà quelques-uns des ingrédients qu’on trouve dans le bureau de l’entraîneur, Imanol Alguacil, pour concocter le cocktail explosif qu’est la Real Sociedad en Espagne. L’équipe basque a toujours fini dans le top 6 de son championnat depuis 2020. Elle aime avoir le ballon et sait en prendre soin. Sa qualité technique lui permet de suivre l’intensité propre à la Ligue des champions. Les statistiques avancées soulignent aussi sa forte propension à presser très haut, pour asphyxier son adversaire. «Il faut souligner notre personnalité», brandissait Alguacil après le match nul chez l’Inter Milan le 12 décembre dernier (0-0).

Plus souvent aperçue en Ligue Europa, la Real Sociedad va jouer ses premiers 8es de finale de Ligue des champions depuis la saison 2003-04. À l’époque, elle avait rendu les armes face à l’Olympique Lyonnais de Coupet, Essien et Juninho, victorieux à l’aller et au retour (0-1, 1-0). Elle n’a rejoué l’Europe que dix ans plus tard, avec un barrage de C1 contre… Lyon, où Antoine Griezmann s’était illustré d’un but sur un retourné acrobatique. Défier le PSG en février n’aura donc rien d’anodin pour les Basques. «Je ressens du bonheur, de l’émotion», a confié Mikel Oyarzabal après avoir assuré la 1re place du groupe D.

La Real Sociedad ne manque pas de bons petits footballeurs, du milieu Mikel Merino au capitaine Mikel Oyarzabal, 322 matches au club. Mais la sensation, dans cet effectif au fort accent espagnol, c’est Takefusa Kubo. Passé par le Barça entre 10 et 14 ans, le gaucher en est ressorti avec le surnom de «Messi japonais», ce qui donne une idée de ses facilités balle au pied. Recruté par le Real Madrid en 2019, il a multiplié les prêts jusqu’à être vendu aux Txuri-urdin en 2022.

À 22 ans, il s’est installé comme l’un des meilleurs joueurs de Liga, où il compte 6 buts et 3 passes décisives en 16 matches cette saison. «C’est un joueur de classe mondiale, avec le ballon mais aussi sans», a loué l’entraîneur barcelonais Xavi. Abonné au côté droit, capable de décrocher et porter le ballon, Kubo a tout du poison entre les lignes. Luis Enrique est prévenu.

Modeste joueur aux plus de 100 matches avec la Real Sociedad dans les années 1990, Imanol Alguacil est revenu dans «son» club en 2011, à 40 ans, pour y entraîner les équipes de jeunes. Il a depuis été adjoint puis N.1 de l’équipe B, puis intérimaire de l’équipe A avant d’y être maintenu en 2018. Basque pur jus, né dans le petit port de pêche d’Orio, il a gravi les échelons un par un, à l’image de son équipe, vainqueur de la Coupe d’Espagne 2020, son premier trophée depuis trois décennies.

«Il a toujours été sincère et direct, que ce soit pour dire des bonnes ou des mauvaises choses. Si tu ne joues pas, tu as besoin de savoir pourquoi, et Imanol te le dit», relatait son ancien joueur Alain Oyazrun auprès de Relevo en octobre dernier. Réputé proche de ses ouailles, Alguacil est l’entraîneur à la plus grande longévité à la Real depuis 40 ans, preuve de sa capacité à se réadapter et à maintenir l’équilibre dans un vestiaire. La presse catalane affirme que le FC Barcelone s’intéresse à lui depuis deux ans, et ne l’oublie pas au cas où les choses tourneraient mal avec Xavi. Que la Real se rassure, Alguacil ne va pas partir sans avoir dirigé son groupe au Parc des Princes.