En cumulé, le chiffre d’affaires 2023 de l’ensemble des clubs de Ligue 1 a (enfin) dépassé la barre des 2.4 milliards d’euros, le montant qu’ils auraient dû générer dès 2020 si Mediapro avait su honorer ses engagements. Le problème est que le mantra des dirigeants semble être : « gagner plus pour dépenser plus ». En effet, ils ont alloué 76% de leurs revenus à la seule enveloppe dédiée aux salaires (1.8 milliard d’euros). Il n’est donc pas étonnant alors que le résultat net total soit négatif : -273 M€, soit -11%. Pire, 4 clubs dont 3 de nos représentants en Europe présentait une masse salariale supérieure ou égale à leur chiffre d’affaires. Il est logique alors que le résultat des opérations hors mutation soit dégradé au point d’être comparable aux droits TV domestique : -656 M€, soit -27% du total des recettes.

Face à une telle dérive comptable, 3 solutions s’offrent aux clubs : soit se qualifier et performer dans une coupe d’Europe, si possible pour la lucrative Ligue des Champions ; soit vendre des joueurs, le plus cher possible … ce qu’un éventuel parcours européen permet ; soit enfin, faire appel à son ou ses actionnaires, pour peu qu’il(s) ai(en)t une surface financière suffisante pour assumer de telles pertes. Malheureusement, la campagne européenne de nos clubs aura été décevante sportivement et donc économiquement : éliminations en 8e de C1 pour le PSG (101.3 M€ de reversement), en phase de poule pour l’OM (51.5 M€), en 16e de Ligue Europa pour l’AS Monaco (18.3 M€), idem pour le Stade Rennais (11.4 M€) tout comme le FC Nantes (9.9 M€), sans oublier le parcours jusqu’en ¼ de Ligue Europa Conférence de l’OGC Nice (8.8 M€). Au total, l’UEFA ne pèse que 8.3% (201.2 M€) de l’économie de la Ligue 1.

Pour ce qui est du levier « mercato », la « Ligue des Talents » s’est muée en « Ligue des Acheteurs » : 900 M€ lors du mercato estival, plus que la Bundesliga, la Serie A et LaLiga. Quant au mercato hivernal, si 80 joueurs ont quitté la France pour 101.05 M€, 60 ont rejoint notre championnat pour 198.3 M€. Une fois n’est pas coutume, le club le plus dépensier aura été l’OL de John Textor débloquant une 55.88 M€ afin de se relancer dans la course à l’Europe. À date, l’ensemble des effectifs de L1 est valorisé à 3.72 milliards d’euros, soit 600 M€ de moins qu’à la fin de la saison dernière.

Quant aux actionnaires, la tendance est désormais au « replis ». la prise de participation d’INEOS pour 27.7% de Manchester United fait planer un doute sur l’implication du groupe dans l’OGC Nice. Toujours sur la Côte, Dmitry Rybolovlev s’est officiellement dit vendeur de l’AS Monaco. Et que dire de la situation des Girondins Bordeaux, club historique de notre championnat dont le « pronostic vital » semble chaque jour un peu plus engagé, faute d’avoir un propriétaire en capacité de financer son retour dans l’élite.

Comme un symbole d’une forme de déclassement dans un monde où les projets de multipropriété se multiplient, les rachats de l’ESTAC, du RC Strasbourg et du Toulouse FC tendraient à confirmer le statut d’un championnat de « fournisseurs de talents » plus que de candidats à la victoire finale des joutes européennes.

Le paradoxe de la situation est qu’au moment où ces 3 leviers ne semblent pas pouvoir jouer en faveur de nos clubs, ils performent (enfin) en Europe. La semaine dernière nous avions toujours un club engagé dans chacune des coupes de l’UEFA. On ne peut que souhaiter à l’OM et le PSG de franchir le cap des ½ finales et ainsi accroitre la part « Europe » dans le chiffre d’affaires 2024, consolider la place de la France à l’indice UEFA et qui sait, relancer l’intérêt de diffuseurs pour les droits TV de notre chère Ligue 1.