Bonnet de Noël sur la tête, Dimitri Payet a retrouvé en invité le stade Vélodrome, dimanche dernier, en marge du succès de l’OM face à Clermont (2-1) en Ligue 1. Profitant de sa loge privée, l’ancien Marseillais est rentré chez lui, dans la cité phocéenne, pour apprécier des vacances en famille à l’approche des fêtes de fin d’année. Une brève coupure avant de retourner au Brésil et refouler les pelouses avec le Vasco de Gama, club mythique qu’il a rejoint le 13 août dernier à 36 ans.

Accueilli dans l’ivresse à l’aéroport de Rio par 5.000 supporters des Camisas Negras, l’international français (38 sélections, 8 buts) avait emmené avec lui un statut de star alors que Vasco était au plus mal en Série A brésilienne, englué à la 19e place avec seulement 12 points pris lors des 17 premières journées. Quatre mois plus tard, le club fondé par des rameurs en 1898 a arraché son maintien dans l’élite lors du dernier match grâce à sa victoire à domicile contre le RB Bragantino (2-1), le 7 décembre. Les Noir et Blanc, depuis Payet, ont empoché 33 points en 21 rencontres, soit le 6e meilleur bilan du championnat sur la période. Tout sauf un hasard. «Payet est reconnu comme un élément clé dans la campagne de Vasco pour éviter la relégation, explique Vitor Seta, journaliste suiveur du Vasco de Gama pour le journal national O Globo. Sa créativité offensive, sa vision du jeu et sa frappe de balle ont apporté des qualités nécessaires et un profil vraiment différent par rapport aux autres joueurs de l’équipe et du championnat.»

Pur meneur de jeu axial, l’ancien chouchou du Vélodrome a pourtant évolué le plus souvent sur le côté gauche du système de Vasco, au cœur du football intense qui se développe au Brésil. «Le rythme du championnat s’accélère de plus en plus avec un calendrier chargé, détaille Vitor Seta. L’entraîneur argentin Ramón Díaz s’est donc adapté et ses joueurs devaient atteindre un bon niveau physique. Payet a souffert au début sur cet aspect, nécessitant une préparation athlétique et un temps de jeu réduit». Arrivé à court de forme, le Réunionnais a été géré avec parcimonie pour finalement compter 17 matchs, dont sept titularisations, pour deux buts et une passe décisive. Deux buts seulement mais deux coups d’éclat, qui ont ravi le bouillant stade São Januario et ses 24.500 supporters. Son tir décisif face à Fortaleza (1-0) a valu très cher, tout comme son sublime coup franc marqué à la dernière seconde contre la lanterne rouge l’America MG (2-1).

Si son leadership et sa capacité à «faire gagner des matchs difficiles» ont compté selon Vitor Seta, c’est avant tout son aura et la portée d’un tel transfert qui ont relancé Vasco, presque condamné cet été. «Nous avions de grandes attentes envers Payet. Et il nous a redonné l’espoir de rester dans l’élite du football brésilien, savoure Jonathan, jeune supporter qui partage sa passion sur la page Instagram Jornal Vasco. Avec son arrivée, l’équipe a gagné en confiance et ensemble, les joueurs ont montré leur valeur sur le terrain.» Aux côtés du Chilien Gary Medel, de l’Argentin Pablo Vegetti, et de l’ancien gardien lillois Léo Jardim, Payet a ravivé la flamme du maintien à Rio. Avec le numéro 10 dans le dos, symbole tout sauf anodin au pays du football.

En portant fièrement le «10», il s’inscrit dans la lignée des plus grands joueurs que Vasco ait connus dans son histoire, les Brésiliens Juninho Paulista, Edmundo, Romário et surtout Roberto Dinamite. Meilleur buteur de l’histoire du club (708 réalisations en 21 saisons) et président entre 2008 et 2014, la légende est décédée d’un cancer de l’intestin le 8 janvier 2023, à l’âge de 68 ans. Un deuil immense pour tous les Vascaínos. «L’idole Roberto Dinamite possède une statue au São Januário, raconte Vitor Seta. Payet lui a rendu hommage plusieurs fois, un geste très apprécié par les supporters qui l’ont acclamé en tribunes lors du dernier match.»

Connu au Brésil pour ses compilations de jolis buts et gestes réalisés lors de l’Euro en France, le 17e du Ballon d’Or 2016 a déjà conquis les cœurs à Vasco, sur et en dehors du terrain. À l’instar d’une autre figure de la Ligue 1 avant lui, réputée également pour sa classe balle au pied. «Je n’avais que 10 ans lorsque Nenê est arrivé (en 2015 après son passage au PSG entre 2010 et 2013, NDLR) mais j’ai toujours été fan de Vasco ! Nenê et Payet sont les deux joueurs qui m’ont donné la chair de poule quand je les ai vus jouer», compare Jonathan. Le dernier arrivé de Marseille souhaite maintenant imiter son prédécesseur passé par Paris, vainqueur du championnat de Rio en 2015 et 2016.

La prochaine édition débute dès le 17 janvier prochain, Vasco recevra Boavista. L’occasion pour Payet de gagner un titre, lui souvent raillé pour son palmarès vierge en France. «Il y a encore du chemin avant d’atteindre notre bien-aimé Dinamite mais remporter un trophée avec le numéro 10 serait un honneur pour lui et pour nous les fans», rêve Vivian, tombée dans la marmite des Camisas Negras grâce à la passion de son père. Un avis partagé par Vitor Seta : «Un titre serait incroyable pour valider la décision de Payet de venir au Brésil et récompenser la résilience passionnée des fans de Vasco cette saison.»

Le club carioca a évité le pire et croit désormais à des jours meilleurs. Puisque le propriétaire 777 Partners, société américaine détenant également le Red Star en National, prévoit d’investir en masse pour pérenniser l’équipe en Série A et sur la scène continentale. D’autres grands noms pourraient alors rejoindre Payet, désormais épanoui de l’autre côté de l’Atlantique. «J’ai encore un an et demi de contrat. La tête va très bien, a confié le principal intéressé à RMC ce mercredi. La faim est encore là, le plaisir est toujours là. J’aimerais jouer la Copa Libertadores et j’espère que je serai encore là pour longtemps.» Le peuple de Vasco, séduit et reconnaissant, l’espère aussi de tout cœur.