Il est venu, il a vu et il s’est imposé. Tel un empereur romain, même sans véritable motivation, Teddy Riner a remporté dimanche le Grand Slam d’Antalya. Son deuxième grand titre décroché en 2024 en deux compétitions après son triomphe à l’AccorArena de Paris début février. Alors que certains osent encore se demander si, à bientôt 35 ans (il les aura le 7 avril prochain), le triple champion olympique a encore suffisamment de ressources pour s’imposer en maître lors des Jeux olympiques de Paris 2024, la réponse est tombée. Clinquante, lors d’une finale à sens unique où il a dominé sans forcer ni trembler le Japonais Tatsuru Saito sur un waza-ari. Celui-là même que certains spécialistes présentent comme l’un de ses plus sérieux rivaux pour l’or olympique l’été prochain, mais qui se retrouve renvoyé à ses chères études…
Un titre d’autant plus convaincant que, durant toute la journée, ce ne fut pas un grand et spectaculaire Teddy Riner. Comme lui-même l’avouait peu après en zone mixte : «Travail achevé. Il n’y avait pas de grosse envie, je ne vais pas le cacher. À la dernière minute, je voulais annuler ma participation au tournoi. J’ai engrangé beaucoup de fatigue à cause des entraînements, je pense que ça s’est vu toute la journée, même sur la finale. J’ai rarement eu cette sensation de « pas envie ». Pour moi, ce n’est pas ça l’objectif. Physiquement ça va, mais si le cerveau ne suit pas… Et puis on sait que chaque carte qu’on brûle, les personnes en face vont les étudier. Donc en finale, je n’ai rien fait.» Il n’a rien fait, mais cela a suffi face à un Japonais incapable de trouver la solution une fois mené. Comme toute la journée d’ailleurs où chacun des adversaires du Guadeloupéen s’est heurté à un mur.
Grâce à ce nouveau titre, Teddy Riner grimpe à la 3e place mondiale, avec un total de points qui devrait lui garantir sans problème une place dans le Top 8 avant les Jeux, ce qui signifie qu’il devrait bénéficier du statut de tête de série lui évitant un tableau aussi redoutable qu’à Tokyo, où, non protégé par son classement, il avait échoué en quarts de finale face au Russe Tamerlan Bashaev avant de se ressaisir pour décrocher le bronze. Du coup, il est fort possible que le judoka aux onze titres mondiaux ne réapparaisse plus sur les tatamis en compétition officielle d’ici Paris 2024.
Malgré la perspective de Championnats du monde du 19 au 24 mai prochain : «Mes coachs sont capables de me pousser à m’y inscrire mais pour l’instant, l’envie n’est pas là. Quand je me suis inscrit à Paris (en février), l’envie y était. Pour Antalya, l’envie n’y était pas du tout. Je ne vais pas cracher sur une médaille, sur des points qui me font être 3e mondial, mais j’ai besoin de récupérer, de souffler une bonne semaine pour pouvoir repartir au travail et pouvoir bien préparer ces Jeux.» Et Riner d’insister : «Maintenant, je vais pouvoir me focaliser sur cette préparation terminale et arrêter de penser : faut encore combattre, faut encore combattre. Ce qui me fait me lever le matin, ce sont les Jeux.»
Une échéance olympique lors de laquelle il «espère ne pas se louper». Une crainte qui pourrait paraître étonnante pour un sportif avec une telle expérience et un tel palmarès. «Oui, mais les Jeux, ce sont les Jeux», explique-t-il, déterminé. «Ce seront mes cinquièmes, donc je sais ce que c’est. Ce n’est pas un Championnat du monde, ni un Championnat d’Europe ou un Masters, ce sont les Jeux olympiques. Le monde s’arrête à ce moment-là. C’est difficile de vous faire comprendre ça, parce qu’à chaque fois, quand on raconte les Jeux, on dit que c’est merveilleux, c’est magnifique… C’est vrai, mais c’est tellement plus. C’est un instant de notre vie qui s’arrête.» Et hors de question pour lui de passer à côté de l’opportunité de remporter un troisième titre olympique en individuel, après ceux à Londres en 2012 et à Rio en 2016.
Même si, comme il l’avait déjà laissé entendre à quelques reprises, Paris 2024 pourrait ne pas être synonyme de clap de fin à sa carrière, lui qui songe déjà à Los Angeles en 2028. «J’ai fait une olympiade magnifique», raconte-t-il. «Elle est passée vite. Il y a eu des super moments d’entraînement, de préparation, j’ai pris énormément de plaisir. J’en ai encore beaucoup sous le pied, donc pourquoi arrêter ? En revanche, après 2028, je pense que ce sera dur. À un moment, il faut tourner la page et dire au revoir à ce monde merveilleux.» Néanmoins, avant la Cité des Anges l’attend un passage par la Ville Lumière l’été prochain. Et avant cela, un stage au Japon fin avril. Sans compétition officielle en mai ? Affaire à suivre…