Le match nul contre l’Italie a donc été la déception de trop pour Fabien Galthié. Après les deux premières levées de ce Tournoi des six nations – une déroute à Marseille face à l’Irlande, une victoire chanceuse à Édimbourg -, le sélectionneur avait pourtant repoussé l’idée de perfuser son équipe en sang neuf. « Il y a une notion importante dans notre équipe : la valeur de la confiance et la valeur des hommes. Le rugby, ce n’est pas la “Star Academy”. Ce n’est pas “Koh-Lanta” non plus. Les joueurs ne sont pas là par hasard. Ils sont venus chercher le maillot avec leur parcours, leurs blessures, leurs forces. Parfois, on a le droit d’être un peu moins fort individuellement. Ce sont des êtres humains. Et rien ne dit que changer… En tout cas, nous, nous sommes convaincus que les turnovers massifs ne marchent pas, pas avec cette équipe-là, pas avec son histoire. »

Ce plaidoyer pour le statu quo, le sélectionneur l’avait prononcé avant la purge lilloise, cette première défaite à domicile dans le Tournoi face aux Transalpins qui se profilait jusqu’à ce que Paolo Garbisi voie, dans les dernières secondes de la rencontre, sa pénalité de la gagne se fracasser sur le poteau.

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Un 13-13 piteux, et pourtant miraculeux, dans un stade Pierre-Mauroy depuis longtemps silencieux. Pas de sifflets contre les Bleus, mais une grogne latente, la prime à la continuité de plus en plus contestée dans les conversations d’après-match. Alors, avant que ça ne chauffe vraiment, Fabien Galthié a initié le changement. Réformer plutôt que risquer la révolution…

Remisé, le « devoir de mémoire », place à la « forme du moment ». Ce n’est peut-être pas « Koh-Lanta » mais ça ressemble à « The Voice ». Quinze contre quinze en début de semaine à Marcoussis pour « faire monter le niveau des entraînements et voir sur certains postes qui était le plus frais, le plus disponible ». Et aux meilleurs la timbale.

À ce petit jeu, le sélectionneur et son staff ont fait tourner leurs fauteuils à huit reprises. Une composition d’équipe modifiée de moitié, une épine dorsale, du talonneur à l’arrière, en passant par la deuxième ligne, la charnière et le centre, complètement remodelée.

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Si Matthieu Jalibert (blessé) et Jonathan Danty (suspendu) ont quitté l’équipe avant l’empoignade, d’autres ont fait les frais de cette nouvelle politique (que Galthié s’est évertué à minimiser en évoquant une simple « évolution du contenu de la méthode »). Exit Cameron Woki et Posolo Tuilagi, respectivement renvoyés au Racing 92 et à Perpignan. Exit Maxime Lucu, rétrogradé sur le banc des remplaçants. Tout comme Peato Mauvaka. Autant en emporte le vent de fraîcheur…

Et bienvenue à une poignée de novices, pour une vague inédite depuis le début du mandat de Fabien Galthié. Dans la Cocotte-Minute de Cardiff, le puissant deuxième ligne toulousain Emmanuel Meafou, le capitaine et centre des champions du monde U20 Nicolas Depoortère, l’aérien arrière parisien Léo Barré et le très massif pilier rochelais Georges-Henri Colombe (en sortie de banc) honoreront leur première cape. Sans oublier le vif demi de mêlée du Racing 92, Nolann Le Garrec, trois bouts de sélection mais une première titularisation. Un net rajeunissement de la moyenne d’âge, mais pas un complet renouvellement des cadres, Marchand, Flament et Alldritt effectuant leurs retours dans le XV de départ.

Heureusement, est-on tenté de dire, car l’environnement, à l’heure du coup d’envoi, dimanche, à Cardiff (16 heures, France 2), ne sera pas particulièrement bienveillant. Le Principality Stadium soigne en effet la mise en scène. Stade, toit fermé, plongé dans le noir pour l’entrée des gladiateurs. Puis, sans transition, les lance-flammes font monter la température dans le vacarme assourdissant des chœurs gallois, Delilah et Land of My Fathers au hit-parade. « Je ne suis pas de nature à stresser très longtemps », a confié Léo Barré. Il vaut mieux, car le bombardement du numéro 15 tricolore commencera juste après…

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Face à une équipe galloise (très) rajeunie elle aussi et encore en phase d’apprentissage (trois défaites en autant de matchs dans ce Tournoi), que faut-il espérer de la part de ces Bleus new-look, dirigés Thomas Ramos, promu numéro 10 ? Cette semaine, les mots se voulaient confiants, bravaches, presque. De Gaël Fickou, l’un des rares anciens à sauver sa tête, annonçant : « On va vite redevenir redoutables » à Fabien Galthié, clamant : « On sera bientôt meilleurs, c’est sûr. » L’engagement aux entraînements et la détermination affichée par tous étaient raccord avec le discours. L’heure de la révolte semble bien avoir (enfin) sonnée.

La composition du XV de France : 15. Barré – 14. Penaud, 13. Fickou, 12. Depoortère, 11. Bielle-Biarrey – 10. Ramos, 9. Le Garrec – 8. Alldritt (cap), 7. Ollivon, 6. Cros – 5. Meafou, 4. Flament – 3. Atonio, 2. Marchand, 1. Baille.Remplaçants : 16. Mauvaka, 17. S. Taofifenua, 18. Colombe, 19. R. Taofifenua, 20. Roumat, 21. Boudehent, 22. Lucu, 23. Moefana.