Un double dix pour terminer et il peut lever les bras, incrédule au moment où l’Alexandra Palace de Londres et ses 10.000 spectateurs chavirent de bonheur. La bière coule à flots. Des centaines de spectateurs dansent, parfois torse nu sur les tables pour célébrer l’exploit du gamin prodige des Championnats du monde de fléchettes. Luke Littler, lui, ne réalise pas ce qui vient de lui arriver. Dans un sport où l’expérience et de très longues années sont indispensables pour briller, surtout devant une foule aussi dissipée et chaude comme c’est le cas à Londres, le gamin de 16 réalise exploit sur exploit, porté par une insouciance désarmante.
À 16 ans, l’Anglais a éliminé mardi en demi-finale (6-2) un géant des «darts», Rob Cross (33 ans), dit «Voltage», Champion du monde en 2018, 8e joueur mondial alors que son jeune adversaire pointait au 164e rang. Il affrontera Luke Hemphries ce mercredi pour le sacre planétaire. Un autre défi car son rival sera classé numéro 1 mondial dans quelques jours grâce à sa qualification en finale.
Ce mercredi, Luke Littler fait la Une de tous les sites de sport outre-Manche. Le royaume britannique est tombé sous le charme de l’adolescent de 16 ans (qui fait quand même quelques années de plus), sa petite barbe et ses quelques kilos en trop qui le serrent dans son maillot devant la cible. Normal, il pourrait devenir le plus jeune champion du monde de l’histoire devant Michael van Gerwen, âgé de 24 ans et 9 mois en 2014. Outre-Manche, on commence même à le comparer à Emma Raducanu qui avait créé l’exploit en remportant l’US Open 2021, à 18 ans, alors que personne ne l’attendait. La jeune joueuse était devenue une véritable star dans son pays après son exploit, sans lendemain malheureusement.
Luke Littler n’en est pas encore là mais sa personnalité fait aussi fondre le public depuis le 15 décembre et le début de la compétition. Réservé, voire timide avec ses réponses concises et un visage imperturbable en conférence de presse, il semble résister à toute la pression sur ses épaules. « Je dois rester concentré, être Luke Littler et me détendre. C’est incroyable. Je me suis seulement fixé pour objectif de gagner un match et de revenir après Noël et je suis toujours debout», expliquait-il devant une foule de journalistes. Car les fléchettes, sport minuscule en France, sont une véritable institution en Angleterre.
À une marche d’un triomphe, Luke Littler ne changera pas ses habitudes avant d’affronter (à 21h15) un cador de la discipline avec, peut-être au bout du match, un pactole de 600.000 livres qui changerait sa vie. «Je vais continuer à faire ce que j’ai fait. Je ne me lève qu’à midi, je vais chercher mon omelette au jambon et au fromage, je viens ici et je prends ma pizza, puis je vais sur le tableau d’entraînement», a posé le natif de Runcorn, au nord-ouest du pays, visiblement accroché à des habitudes qui lui réussissent : «C’est ce que je fais tous les jours : tant que cela ne casse pas, je ne répare pas.»