Au fond de lui, Didier Deschamps a pris un malin plaisir à piéger tout son monde. Il ne le dira pas officiellement, mais en privé, il a apprécié dribler les médias jeudisoir. Personne n’avait vu venir la possibilité d’un retour de N’Golo Kanté avec les Bleus, encore moins pour l’Euro en Allemagne (14 juin-14 juillet). Personne. Et pourtant.

Absent de la sélection depuis juin 2022, une éternité dans le monde du football, « NG » sera l’attraction de la sélection dès le début du rassemblement le 29 mai prochain. Depuis l’exemple Benzema, placardisé pendant cinq ans et de retour avant l’Euro 2021, aucune option n’est à écarter avec Deschamps…

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S’il a avoué avoir pris sa décision « il y a une bonne semaine » pour acter le retour du chouchou des héros de 2018, le patron des vice-champions du monde met en avant la saison de son poulain en Arabie saoudite avec Al-Ittihad. Plus de 40 matches au compteur, 4 buts et 6 passes à son actif. Des courses à haute intensité et de nombreux matches à plus de 12/13 kilomètres parcourus. « Il a retrouvé toutes ses capacités physiques, plaide Deschamps. De par son vécu et son expérience, je suis convaincu que l’équipe de France sera meilleure avec lui. Il a retrouvé ses capacités athlétiques. Il a enchaîné beaucoup de matchs. On pourra discuter de l’intensité spécifique en Arabie saoudite. Mais il a joué plus de 4.000 minutes durant la saison, c’est plus de 40 matchs. Je n’ai pas de doutes sur ce qui faisait sa force. »

Fin du débat ? Trop facile. Son retour n’est-il pas aussi pensé par rapport à la situation d’Aurélien Tchouaméni, présent dans la liste mais dont l’état de forme pose question. « Je n’irai pas jusque-là, balaie le sélectionneur. Si Aurélien est sur la liste, c’est que, si tout se passe bien, il y a de bonnes probabilités qu’il puisse être sur pied pour le début de la compétition. »

En novembre dernier, lorsqu’il était interrogé sur l’absence de Kanté avec les Bleus, Deschamps avait dit ceci. Ne fermant aucune porte. Jamais. « Je ne sais pas quelle situation j’aurai au mois de mai, avouait-il sur l’ancien milieu de Chelsea. Je le considère toujours comme sélectionnable. Il est habitué aux grandes compétitions. » Sept mois plus tard, il effectue un retour fracassant.

Deschamps, jeudi soir, en disait plus sur sa réflexion et le statut de Kanté cet été en Allemagne. « La situation était claire dans ma tête. Je voulais qu’il retrouve sa capacité sur le terrain en laissant du temps de jeu à des jeunes pour acquérir de l’expérience. J’ai pris cette décision car je considère que l’équipe de France sera plus forte avec lui. Avec NG, peu importe la situation, il n’y a jamais de problème. C’est un ange. Tout le monde l’aime bien. Il n’a pas de garanties. En étant honnête, les sept milieux de terrain peuvent être titulaires. NG aura la place qu’il méritera ou que je lui donnerai. Il a un statut et ça pèse. Mais c’est NG, et NG ça va, ça va tout le temps. »

Difficile d’imaginer Kanté revenir en équipe de France pour se cantonner au banc de touche et voir les Fofana, Zaïre-Emery sortir du banc avant lui. En 2022, avant la Coupe du monde au Qatar, Deschamps avait appelé Giroud pour savoir s’il était prêt à se contenter de miettes avec la présence de Benzema. En 2024, la donne n’est pas la même. Et le discours de «DD» sur son milieu beaucoup plus positif qu’avec son meilleur buteur.

Autre élément important. En mars dernier, Deschamps et son staff n’ont pas apprécié le rendement des Bleus, balayés par l’Allemagne (0-2) à Lyon et bousculés par le Chili (3-2) à Marseille. L’attitude de certains et le confort entrevu ont alerté le sélectionneur. Même agacé. L’idée de bousculer les choses a alors escorté la pensée du staff. Avec deux participations à l’Euro (2016/2021) et une à la Coupe du monde 2018, le CV de Kanté apporte aussi une expérience importante à un groupe privé de Lucas Hernandez, sans oublier les départs à la retraite de Karim Benzema, Raphaël Varane ou Hugo Lloris après le Mondial au Qatar.

Avec des retours positifs sur le niveau du joueur, un attrait plus prononcé pour les matches en Arabie saoudite et des contacts jamais coupés avec le chouchou de 2018 «petit et gentil» qui a «bouffé Léo Messi», Didier Deschamps a estimé que ce retour cochait de nombreuses cases. À 33 ans, «NG» s’avance vers son ultime défi en équipe de France avec cet Euro. Impensable à dire/lire/écrire il y a encore une semaine.