Rien ne devrait filtrer de l’audience, tenue à huis clos jusqu’à la fin de la semaine par les trois juges arbitres réunis à Lausanne, pendant que la jeune prodige – aujourd’hui 17 ans – et une partie des experts et témoins seront entendus en visioconférence.

«À ce stade, il n’est pas encore possible d’indiquer à quelle date la sentence sera rendue», avertissait le TAS mi-septembre. Un recours devant le Tribunal fédéral suisse sera ensuite possible sous 30 jours, mais uniquement pour des motifs juridiques limités.

Depuis sa révélation en février 2022, l’affaire est paradoxale: l’âge de la patineuse, 15 ans à l’époque, aurait dû lui garantir une confidentialité totale, selon les règles de l’Agence mondiale antidopage (AMA) pour les «personnes protégées» de moins de 16 ans.

Mais le théâtre olympique et le niveau exceptionnel de Valieva, qui venait de remporter avec les Russes l’épreuve par équipes en réussissant le premier quadruple saut féminin de l’histoire des Jeux, lui ont donné un retentissement mondial.

«La confidentialité est prévue à bon escient, mais devient un peu fantoche quand on a affaire à des athlètes de haut niveau», constate auprès de l’AFP David Pavot, directeur de la chaire de recherche sur l’antidopage à l’Université canadienne de Sherbrooke.

Pour lui, l’affaire Valieva a «mis en lumière des questionnements éthiques plus larges sur un âge minimal pour participer aux Jeux». Faute de règles du CIO en la matière, tout dépend des fédérations internationales: or si celle de patinage a relevé de 15 à 17 ans le seuil d’entrée dans la catégorie senior à partir de 2024/25 – invoquant la «santé physique, mentale et émotionnelle» des athlètes -, la question reste entière pour d’autres sports dont la gymnastique.

Par ailleurs, souligne David Pavot, Kamila Valieva a été prise «dans un engrenage plus grand qu’elle, avec un narratif anti-Russes où on mélange tout», en raison du vaste système de tricherie révélé en 2015 qui a discrédité à la fois le sport russe et son autorité antidopage (RUSADA).

C’est pourtant RUSADA qui avait contrôlé le 25 décembre 2021 la patineuse, à l’occasion des championnats de Russie qu’elle a remportés, avant d’envoyer son prélèvement au laboratoire de Stockholm accrédité par l’AMA.

Retardé par la pandémie de Covid-19, le résultat est tombé au beau milieu des JO: une concentration infime de trimétazidine, interdite par l’AMA depuis 2014 car elle favoriserait la circulation sanguine, avait été trouvée chez la jeune championne.

Plus d’un an et demi après, le podium de l’épreuve par équipes est toujours en suspens – au grand dam des Américains, Japonais et Canadiens battus par les Russes -, et Kamila Valieva a fini par craquer sous la pression lors de l’épreuve individuelle, terminée en larmes et à la quatrième place.

Contamination ?

Mais début janvier 2023, la commission disciplinaire indépendante de RUSADA a révélé n’avoir infligé aucune suspension à la patineuse, estimant qu’elle n’avait commis «aucune faute ou négligence». Elle est d’ailleurs revenue en compétition, prenant la deuxième place fin 2022 des championnats de Russie.

L’AMA, l’ISU et RUSADA ont donc porté l’affaire devant le TAS, réclamant jusqu’à quatre ans de suspension et l’annulation de tous ses résultats depuis fin 2021, un débat qui promet de tourner à la bataille d’experts.

Car la jeune sportive avait invoqué une «contamination via les couverts» partagés avec son grand-père, traité à la trimétazidine après la pose d’un cœur artificiel, et qui la conduisait chaque jour à l’entraînement.

Les instances sportives ont déjà reconnu en 2018 deux cas de contamination accidentelle à la trimétazidine: celui de la nageuse américaine Madisyn Cox, via un complément alimentaire (suspension réduite), et celui de la bobeuse russe Nadezhda Sergeeva, suspendue pendant les JO de Pyeongchang et blanchie huit mois plus tard.

Par ailleurs, un doute entoure depuis des années l’intérêt réel de la trimétazidine pour la performance sportive, en raison notamment de ses «nombreux effets secondaires» allant des «troubles de la marche» aux «hallucinations», relevait fin 2020 la revue «Toxicologie Analytique et Clinique».