Quelques semaines après le décès d’André Boniface, c’est une autre légende du rugby français qui s’est éteinte. Lucien Mias, deuxième-ligne de légende et icône du XV de France, est décédé à l’âge de 93 ans. Joueur de Narbonne puis de Mazamet, il était devenu le 400e international tricolore et avait porté le maillot de l’équipe de France à 29 reprises entre 1951 et 1959, portant le brassard de capitaine à six reprises de 1958 à 1959. Avec les Bleus, il avait gagné le Tournoi des cinq nations à deux reprises, en 1954 et en 1959, le premier que la France remportait sans partage.

«Pour nous, l’important n’était pas de remporter le Tournoi mais de se retrouver chaque fois pour disputer un match, tu saisis la nuance ? C’était la belle vie, c’était fabuleux. Nous étions des ruraux, des pauvres, et nous descendions dans des palaces», se souvenait-il. L’un des plus grands faits d’armes de Lucien Mias a été d’être le capitaine de la tournée du XV de France remportée en 1958 en Afrique du Sud (match nul puis victoire).

Au pays des Springboks et du rugby total et brutal, la presse sud-africaine s’incline alors devant «le plus grand avant qu’on ait jamais vu en Afrique du Sud», célèbre pour son casque des plus rudimentaires. L’épopée des Bleus avait immortalisé dans le magnifique livre Le grand combat du XV de France de Denis Lalanne. Il restera comme le premier Français (avec l’ancien centre de Lourdes et Lyon, Roger Martine) à avoir triomphé de toutes les nations majeures, puisqu’il était de la victoire contre la Nouvelle-Zélande en 1954 (3-0).

Sa carrière internationale s’était déroulée en deux parties : 17 sélections d’abord entre 1951 et 1954 puis 12 autres entre 1957 et 1959. Entre-temps, celui qui était instituteur avait passé son diplôme de médecine à Toulouse et s’était spécialisé, par la suite, dans la gériatrie. Il avait également fondé le site «Papidoc», dédié au grand âge.

Deuxième-ligne moderne (1,87 m pour 105 kg), il avait révolutionné le jeu d’avants, avec notamment l’invention du «demi-tour contact» et de la touche en mouvement. On disait de lui qu’il était «un tracteur avec un cerveau». En 1960, ce médecin de formation était devenu le deuxième rugbyman à entrer au Musée Grévin. Il fut également consultant pour la télévision, brièvement, en 1984. En 2011, il avait été introduit au Hall Of Fame de World Rugby, la fédération internationale.

Interrogé par la Fédération française de rugby, Lucien Mias avait évoqué les souvenirs de sa première Marseillaise, en janvier 1951 contre l’Écosse, à seulement 20 ans. «Ça a été très impressionnant. Tu viens d’un petit village et tu te retrouves comme un con devant des milliers de spectateurs. Tu verses ta petite larme, évidemment, confiait-il. Mais on croit que ça dope, alors que c’est tout le contraire. Ça restreint même les capacités parfois.» Et, alors que les questions d’arbitrage empoissonnent les débuts actuellement, il avait lâché un cinglant : «L’arbitre, c’est comme le vent et la pluie, il fait partie du jeu. S’il se trompe, il se trompe. Point barre. Je n’ai jamais eu beaucoup de problèmes là-dessus.»