En sortant invaincue d’une poule extrêmement relevée, l’Irlande a confirmé qu’elle avait les moyens de ses ambitions. Le XV du Trèfle reste sur une série de 17 victoires d’affilée et n’a plus perdu depuis une défaite inaugurale lors de sa tournée d’été de 2022 en Nouvelle-Zélande. Tournée que les hommes en vert gagneront 2 victoires à 1.

Hasard du calendrier et du tirage au sort, ce sont ces mêmes Néo-Zélandais qui se dresseront face aux Irlandais ce samedi à Saint-Denis (21h) pour disputer une place dans le dernier carré. Stade de la compétition que l’Irlande n’a encore jamais atteint. Pour espérer soulever le trophée Webb Ellis le 28 octobre prochain, les hommes d’Andy Farrell devront donc aussi affronter leurs propres démons.

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Il y a quatre ans, au Japon, les All Blacks avaient déjà mis fin sans ménagement aux ambitions irlandaises, sur le score de 46 à 14… alors même que l’Irlande restait sur 2 victoires en 3 matches face à ces mêmes adversaires. «Il n’y a pas de plus grand match que d’affronter la Nouvelle-Zélande en quarts de finale d’une Coupe du Monde, se souvient Simon Easterby, entraîneur de la défense de l’Irlande. On est déjà passés par là et on a été battus à plate couture. Nous avons beaucoup appris de 2019, même s’il s’agissait d’un staff et d’une équipe différents. Il y a beaucoup de similitudes entre leur équipe et la nôtre. Ce match-là sera sans aucun doute un facteur important pour celui de samedi.»

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Quatre ans plus tôt, en 2015, l’équipe se présentait déjà comme un favori. Elle restait sur deux victoires consécutives lors du Tournoi des six nations et avait notamment battu une (petite) équipe de France en poules. Mais elle trouva sur sa route une Argentine dominante et humiliante. Après un match à sens unique perdu 43 à 20, les Irlandais rentraient une nouvelle fois prématurément chez eux.

Inutile de remonter comme ça tout le fil de la compétition, ce ne serait qu’une longue litanie d’espoirs gâchés. Rappelons juste que l’année où ils ont été le plus proches d’une qualification en demi-finale, en 1991, lors d’un match à domicile dans leur antre de Lansdowne Road, un essai de l’ouvreur australien Michael Lynagh avait anéanti tout un peuple à la 79e minute (défaite 19-18).

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Il est vrai que les résultats des Coupes du monde passées ne préjugent en rien des exploits à venir. Et, à Dublin, tout le monde veut y croire : cette fois, c’est la bonne. «Nous avons vécu tellement de choses au cours des quatre dernières années, juge d’ailleurs Simon Esterby. Les gars qui ont joué en 2019 auront acquis de l’expérience et de la compréhension autour de la façon d’aborder les grands matches et de s’y adapter. Mais le sang neuf qui est arrivé depuis 2019 a également vécu des expériences incroyables au cours des deux dernières années.»

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Pour cela, il faut d’abord, pour la première fois de leur histoire, éliminer les Néo-Zélandais. La lecture des statistiques peut leur donner confiance, puisqu’ils restent sur deux victoires consécutives face à eux. Mieux encore, si on regarde les huit dernières confrontations depuis 2016, les Irlandais ont gagné cinq fois. Un bilan d’autant plus flatteur qu’avant ces huit rencontres, jamais l’équipe d’Irlande n’avait battu les Blacks.

«Sur le plan de l’effectif, ce sera similaire à notre tournée victorieuse en 2022, commente Simon Easterby. On avait gagné cette série, mais les deux équipes étaient très proches l’une de l’autre. Chez nous aussi, l’effectif est presque le même, car on n’a pas fait énormément de changements par rapport à l’équipe qu’on alignait à l’époque, et même par rapport à celle qui les avait affrontés en novembre 2021.»

Rien ne parait donc en mesure d’effrayer l’Irlande cette année, et surtout pas les spectres des quarts de finale perdus ces trois dernières décennies. Mais, en plus d’affronter les fantômes de son passé, l’Irlande fera face à Joe Schmidt, entraîneur adjoint néo-zélandais qui, pendant huit ans, a entraîné le XV du trèfle. Les Irlandais lui doivent notamment les tournois 2014, 2015, et le Grand chelem de 2018. Lui, mieux que personne, connaît la malédiction des verts en phase finale de Coupe de monde : c’est lui qui a encaissé plus de 40 points lors de deux quarts de finale qu’il a disputé.

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Dernier bémol. Pour être championne de monde, l’Irlande doit enchaîner trois nouveaux matches de très haut niveau. Après de très gros affrontements contre l’Afrique du Sud puis l’Écosse (sans même parler des Tonga), il faudra faire face à une équipe moins marquée physiquement par ses matchs de poule (en dehors de leur défaite inaugurale, les All Blacks se baladent depuis un mois).

En tout début de compétition, l’ancien sélectionneur du XV de France, Philippe Saint André, nous confiait : «les Irlandais font office de favoris, mais ils n’ont pas l’habitude d’enchaîner plus de deux matches de haut niveau. Pendant le Tournoi, il y a toujours une semaine de pause. Je pense que l’enchaînement, Afrique du Sud, Écosse, puis quart de finale sera très difficile pour eux…» Premiers éléments de réponse ce samedi à partir de 21 heures.