Lors des deux dernières Coupes du monde, les Fidji ont concédé la défaite surprise de la compétition. Il y avait d’abord eu, au Japon, ce revers face à l’Uruguay (27-30), puis, dimanche dernier, cette défaite inattendue face au Portugal (23-24). Les joueurs du Pacifique n’ont trouvé leur salut – et leur qualification – qu’en glanant in extremis le point de bonus. «Il y a eu de la déception, mais aussi cette qualification pour les quarts de finale. On s’est donc réunis entre nous et on a évoqué les points positifs à retenir», raconte Seremaia Baï, l’entraîneur en charge du jeu au pied, bien connu du Top 14 après ses passages à Clermont (2006-2010), puis Castres (2010-2014).
À l’heure du bilan du premier tour, les «Flying Fijians» ont alterné le très bon, avec ce succès plein d’autorité sur l’Australie, mais aussi le plus indigent car, avant ce revers face «Os Lobos» (les loups), ils avaient été tenus en échec par la Géorgie (18-18). Retombant dans leur inconstance chronique. «Ce résultat est une déception, mais on avait un objectif en tête, celui de se qualifier pour les quarts de finale, positive Seremaia Baï. La qualification était compliquée au vu de la composition de la poule. On est heureux d’être en quarts de finale.»
Place désormais à l’Angleterre. Comme on se retrouve… Avant le Mondial, les Fidji étaient entrés dans l’histoire en signant leur première victoire contre le XV de Rose, qui plus est dans le temple du rugby de Twickenham. Frappant un grand coup avant les joutes mondiales. «Cette victoire nous a donné énormément de confiance. Le plus important lors des matchs à élimination directe, c’est de se rappeler que tout peut arriver, souligne le technicien fidjien. On doit se remobiliser, se reconcentrer et se préparer correctement pour affronter cette redoutable équipe d’Angleterre.»
Et d’insister : «On va se reprendre dans les domaines où c’est nécessaire.» Il y a en a quelques-uns…. Il va d’abord falloir éviter toutes ces fautes de main à la pelle, qui ont empêché les îliens de déployer leur jeu. «En première mi-temps, on n’a pas réussi à bien libérer les ballons et on a fait trop d’en-avant sur les collisions, avait reconnu le sélectionneur Simon Raiwalui. On a aussi fait de bonnes choses mais on va devoir travailler sur les fondamentaux, notamment en conquête où ils nous ont pris.» Solides en conquête face aux Wallabies, Levani Botia et ses coéquipiers ont été incapables d’imposer leur densité devant face aux Portugais. Ce qui explique, en grande partie, leur incapacité à déployer leur jeu.
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La confrontation face aux Anglais va donner lieu à une belle opposition de style entre des Fidjiens réputés pour leurs qualités offensives et des Anglais qui excellent dans l’occupation avec du jeu au pied. Les joueurs de Steve Borthwick pourraient décider d’éviter les Îliens frontalement, pour les «balader» au pied. Un domaine dans lequel les Fidjiens avaient été défaillants face aux Portugais, comme l’avait concédé l’ouvreur de Castres, Vilimoni Botitu. «Il va surtout falloir améliorer la gestion du jeu, a-t-il insisté. Le jeu au pied n’a pas marché, mais on va se remettre au travail, tirer les leçons de ce match.»
Seremaia Baï, spécialiste en la matière, avance qu’il faudra que son équipe trouve «un équilibre entre les courses et le jeu au pied. On sait que la qualité de leur jeu au pied les rend capables de porter le danger n’importe où sur le terrain.» Culturellement, les Fidjiens sont peu enclins à cette forme de jeu, mais nombreux d’entre eux qui évoluent dans le Top 14 sont désormais habitués à cela. «L’important, c’est de faire en sorte d’être préparés à ces différents scénarios de duel de jeu au pied et de les contrebalancer en trouvant les bons moments pour tenter des contre-attaques ballon en main. C’est un point sur lequel il faudra qu’on soit très intelligents», prévient Baï.
Attention aussi au relâchement. En se hissant pour la troisième fois de son histoire en quarts de finale d’une Coupe du monde après 1987 et 2007, les Fidjiens ont déjà écrit l’histoire de leur pays, qui règne en maître en 7. La fièvre s’est emparée de l’archipel «Je n’appelle pas cela de l’enthousiasme, je parlerais plutôt de folie, raconte Seremaia Baï. Comme en Angleterre, un pays passionné de rugby, dans les petites îles des Fidji, tout le monde se lève tôt, à trois ou cinq heures du matin (pour suivre les rencontres). Les gens qui sont malades reprennent des couleurs quand on gagne des matchs. On ne doit pas oublier qu’on ne se bat pas uniquement pour gagner ce quart de finale : on joue pour notre peuple, pour les enfants et les gens dans les villages. Ça veut dire beaucoup pour eux.»