S’il n’en reste qu’un ! Seule nation européenne qualifiée dans le dernier carré et seule équipe invaincue encore en lice, les Anglais sont toujours en vie dans cette Coupe du monde. Et pourtant, c’était de loin les plus mal en point et quand on prête un peu attention au contenu, tout n’est pas rose du côté de joueurs de Steve Borthwick. Le rugby brouillon pratiqué ces dernières années est toujours là. Et soyons honnêtes, il y a un petit parfum d’injustice quand on sait que dans le même temps Français et Irlandais sortent de la compétition par la petite porte.

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Première à l’issue d’une phase de poule maîtrisée, disons-le clairement, l’Angleterre doit en grande partie cette qualification à la faiblesse de ses adversaires. Déjà, à deux doigts de la correctionnelle dans un match sans enjeu, il y a une semaine face aux Samoa, les partenaires d’Owen Farrell ne sont pas passés bien loin de la sortie de piste après cette victoire poussive face aux Fidji (30 à 24).

«Bravo aux joueurs qui ont bien tenu, a réagi Steve Borthwick. Et bravo aux Fidji, pas que pour ce match mais pour l’ensemble de leur Coupe du Monde. C’est une immense équipe. Ils ont un super coach et des joueurs magnifiques. » En conférence de presse, il préférait minimiser les approximations de ses joueurs, mais insister sur la force de ces adversaires. «On savait que ce serait compliqué et c’était le cas. On a contrôlé la plupart du match. Mais les Fidji ont marqué deux essais coup sur coup, deux essais qui sont typiques de leur rugby. Pas sûr que de nombreuses autres équipes puissent marquer de tels essais. Mais on a gardé notre calme et on a réussi à revenir. »

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Face à l’Afrique du Sud, le XV de la Rose n’endosse pas le rôle de favori, loin de là ! «Beaucoup ne voyaient pas ces joueurs passer les poules, a d’ailleurs expliqué, réaliste, Steve Borthwick. Mais on est en demi-finale aujourd’hui.» De son côté, le capitaine Owen Farrell, élu homme du match et auteur de 20 points au pied, admet que son équipe «doit encore bosser dur» pour espérer atteindre la finale. En zone mixe, Maro Itoje a expliqué n’avoir jamais douté sur la qualification des siens depuis le début de coupe du monde. «C’est parfois difficile quand les résultats ne suivent pas, concède-t-il. Et cet été, c’était notre cas. Mais parfois, ce genre d’expérience forge les esprits. On est concentrés sur ce qu’on doit faire, c’est notre état d’esprit.»

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Hués pendant l’annonce des compositions d’équipes par les supporters français du vélodrome, on aurait tort de les enterrer trop tôt. Car les Anglais ont une force : ils adorent être détestés. Une blague circule tous les ans pendant le tournoi de VI nation : «au rugby, ce qui compte ce n’est pas pour qui vous êtes, mais qui vous voulez voir perdre : l’Angleterre.» «Être l’ennemi public numéro 1, ça ne nous dérange pas, et nous sommes plutôt contents d’endosser cette tunique», s’est réjoui Billy Vunipola après la victoire poussive contre les Samoa. Ce statut de brebis galeuse est même un moteur. Un ciment qui permet d’unifier un groupe en mission.

Pour Steve Borthwick, «ce groupe est aussi soudé qu’en 2007 et sait ce qu’il doit faire. On travaille dur. En 2007, après le match contre l’Afrique du Sud en poules, on a dû se remettre au travail et c’est ce que je retrouve dans cette équipe. » Peu importe si le rugby pratiqué n’est pas le meilleur. Les Irlandais jouent très bien au rugby depuis 4 ans, mais rentrent chez eux après les quarts. Les Anglais en sont convaincus, ils peuvent être champions du monde. « On veut gagner, peu importe la manière, confirme Owen Farrel. Il faut saisir la moindre occasion. Il reste d’excellentes équipes dans la compétition et on respecte toutes les équipes. Mais il y a plusieurs façons de gagner. On l’a vu avec les Fidji, ils ont réussi à renverser le match. Mais seul le résultat compte.»

Et si le reste du monde est contre, une petite partie à l’ouest de l’Europe va pousser très fort derrière, dans les tribunes du Vélodrome les supporters anglais, nombreux, mais minoritaire (les Français ayant pris fait et cause pour les Fidji) ont su se faire entendre. «Ce dont je suis certain, c’est que les fans sont derrière nous depuis le début du tournoi et c’est ce qui compte», souligne Steve Borthwick. Avec ce rugby pauvre et maladroit, les Anglais ont peut-être trouvé un chariot qui les portera doucement jusqu’à la finale.