Le XV du Poireau est de retour. Qualifiés pour les quarts de finale de la Coupe du monde avec trois victoires en trois matches, bien placés pour terminer premiers de leur groupe, les Gallois ont retrouvé le niveau de jeu et les ambitions qui étaient les leurs en 2021.
À cette époque, les Gallois venaient de remporter leur deuxième Tournoi des six nations en trois ans. Ils avaient aussi atteint le dernier carré du Mondial 2019 au Japon. Depuis ? Un tunnel, sombre, lugubre. Une longue succession de crises. Sur le plan sportif d’abord, avec une année 2022 catastrophique, commencée par une avant-dernière place au Tournoi et marquée par des défaites inquiétantes contre l’Italie (21-22) et la Géorgie (12-13).
Le début de l’année 2023 n’est pas beaucoup plus reluisant malgré Warren Gatland, de retour à la tête de l’équipe après un long premier mandat entre 2007 et 2019. La nouvelle 5e place au Tournoi est anecdotique en comparaison de ce qui se joue en coulisses. Entre des accusations de comportements sexistes et les difficultés économiques des clubs des provinces gallois, la fédération (WRU) est sens dessus dessous. Avant un match contre l’Angleterre, les joueurs menacent même de faire grève, inquiets de leurs contrats.
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Qui aurait donc pu parier sur ces Gallois-là, corrigés en mars dernier par les Bleus (41-28), humiliés à nouveau en août par l’Afrique du Sud (16-52) ? Certes, la poule C est moins relevée que d’autres. «Ce n’est pas de notre ressort, se défend Warren Gatland. On prend les matches comme ils viennent.» Battre l’une des meilleures équipes fidjiennes de ces dernières années (32-26) et l’ambitieux Portugal (28-8) n’était pas une mince affaire. Et la victoire spectaculaire contre l’Australie (40-6), la plus large de leur histoire contre cet adversaire, est un véritable exploit. Quand bien même les Wallabies ne seraient que l’ombre d’eux-mêmes.
Après la rencontre, l’entraîneur des avants Jonathan Humphreys a ressenti «du bonheur, du soulagement. Toute la semaine, on sentait qu’on était bien. C’est bien de voir que ça a porté ses fruits, tout ce travail qu’on a accompli sur ces derniers quatre mois et demi.» Le travail, donc, comme base de la résurrection. Une âme retrouvée, et un groupe ressoudé. «On est unis, les stages de préparation en Suisse et en Turquie nous ont rapprochés, confirme l’arrière Liam Williams. On s’est dit certaines vérités. Après avoir mis les points sur les « i », on est devenu une équipe compliquée à battre, comme dirait le coach.»
Un coach, Warren Gatland, qui a su les ramener «à ce qui fait l’identité de cette équipe : être prêt sur le plan physique et travailler dur. […] On travaille plus dur que n’importe qui d’autre, et c’est un outil précieux», explique Jonathan Humphreys. Gatland a également procédé à plusieurs changements bénéfiques dans le staff. Les nuages se dissipent dans le ciel gallois. Les crises, tensions et bouleversements semblent loin derrière. «Je pense qu’on n’avait pas de vision sur ce qui se passait, ça manquait de clarté. Il suffit de donner aux joueurs un peu de confiance et de continuité pour voir ce dont on est capables», assure le centre Nick Tompkins.
Imparfait contre les Fidji et le Portugal, le XV du Poireau s’est appuyé sur une générosité exemplaire. C’est, de loin, l’équipe qui plaque le plus de la compétition (256 plaquages rien que contre les Fidji). Est-ce là son ADN ? «Non, on veut le ballon. Mais disons que nous sommes bons défensivement. Au niveau international, c’est vrai qu’on se retrouve parfois à défendre sur de longues séquences», affirmait alors Warren Gatland.
Depuis, son équipe est montée en puissance, au point d’inscrire 40 points contre l’Australie. L’alchimie est bonne entre les générations. D’un côté des jeunes joueurs déjà incontournables, dont le flamboyant capitaine Jac Morgan (23 ans) ou l’ailier virevoltant Louis Rees-Zammit (22 ans). De l’autre des cadres exemplaires, comme les deux ouvreurs Gareth Anscombe et Dan Biggar. Sorti sur blessure contre l’Australie, ce dernier se remet bien et devrait être de retour pour les quarts.
Jusqu’où ces Gallois peuvent-ils aller ? L’avenir le dira. En attendant, il y a un dernier match de poule contre la Géorgie, bourreau de l’automne dernier (12-13). La qualification est déjà acquise, mais l’ambition est de gagner, pour «surfer sur les quatre dernières semaines», selon les mots d’Alex King, entraîneur de l’attaque. Ils bénéficieront une nouvelle fois du soutien inconditionnel de leurs supporters, qui se déversent en marées rouges sur les différentes villes visitées. Une ferveur à la hauteur des ambitions retrouvées.