C’est une finale sous haute tension. Pour les Toulousains et les Nantais d’abord qui se disputeront samedi 29 avril la 106e coupe de France de football de l’Histoire. Mais aussi pour le président de la République Emmanuel Macron qui fait face à une forte contestation sociale, après la promulgation de la réforme des retraites mi-avril. Au point d’envisager de rompre avec la «coutume» ? « Ce rituel républicain de venir saluer les joueurs date environ du moment où la finale commence à se jouer au Stade de France en 1998, note auprès du Figaro Jean-Baptiste Guégan, coauteur de La République du foot. Avant, cela ne se faisait pas vraiment».
Pour l’heure rien n’est sûr. Ce vendredi matin, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a précisé ne pas savoir «si le président descendrait sur la pelouse ou non». Le chef de l’État «fera ce qu’il souhaite», a de son côté commenté le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Une source proche de l’Elysée précisait à l’Agence France-Presse que le chef de l’Etat ne se plierait pas à l’exercice. Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron était venu saluer les 22 acteurs avant chaque finale de coupe de France, y compris lors de la crise des Gilets Jaunes.
Si Emmanuel Macron venait à rester en tribune, il ne serait pas le premier. «C’est lui qui avait remis cela au goût du jour», souligne cependant auprès du Figaro Paul Dietschy, spécialiste de l’histoire du football. En 2013, François Hollande n’était pas descendu non plus. La faute à «la loi sur la fiscalité», se rappelle Jean-Baptiste Guégan. Celle-ci prévoyait de taxer à 75% les très hauts revenus, y compris les clubs de football. Il n’avait pas foulé la pelouse du Stade de France avant le coup d’envoi en 2014 et en 2015 non plus.
En 2016, François Hollande était également resté en tribune. «C’était peu après les attentats de Paris [du 9 novembre 2015, alors que François Hollande se trouvait déjà au Stade de France pour France-Allemagne (2-0), NDLR]. Il s’agissait de raisons de sécurité», analyse Jean-Baptiste Guégan. François Hollande n’a donc jamais serré la main des joueurs avant une finale de Coupe de France. «C’était une décision prise au début de son mandat. Il estimait que la place d’un président n’était pas d’être au milieu des joueurs et il s’y est tenu», explique pour sa part l’entourage de François Hollande.
À lire aussiTunisie-France : la Marseillaise sifflée ? Tout sauf un événement politique
En 2009 déjà, Nicolas Sarkozy n’avait pas participé au protocole d’avant match. La veille de la finale, l’Élysée avait même annoncé que Nicolas Sarkozy «n’assisterait pas à la finale de la Coupe de France». Cette décision avait provoqué la colère de la Bretagne – la finale se jouant cette année-là entre Guingamp et Rennes -, le quotidien breton Le Télégramme évoquant une «faute politique». Les raisons du refus étaient floues, l’opposition avait alors dénoncé «la peur des sifflets».
Finalement, Nicolas Sarkozy s’était bien rendu au Stade de France évoquant sur France 2 peu avant le coup d’envoi un «week-end extrêmement chargé» ajoutant être un «un passionné de football». «Dans la foulée [de l’interview], le protocole de présentations des équipes se passe, sans lui, sur la pelouse. La Fédération Française de Football a insisté mais non…», rapportait à l’époque Le Télégramme . Selon Libération citant un ministre sous couvert d’anonymat, Nicolas Sarkozy n’avait pas osé descendre sur la pelouse par crainte «de tous ces cons qui sifflent».
Ce n’était pas une première. Dès 2002, Jacques Chirac avait refusé de venir saluer les joueurs avant le coup d’envoi. À l’époque, la finale de la coupe de France opposait Bastia à Lorient. «Les supporters bastiais avaient sifflé la Marseillaise et Jacques Chirac n’était pas descendu sur la pelouse avant le match», se souvient Paul Dietschy. «Je ne tolérerai et n’accepterai pas que soit porté atteinte aux valeurs essentielles de la République et à ceux qui les expriment», avait alors réagi Jacques Chirac.
À lire aussiUne histoire de France en crampons et Coups de sifflet: quand le football raconte une histoire politique et sociale
Il avait quitté momentanément la tribune avant de demander des excuses à la Fédération Française de Football (FFF). «La Fédération française de football présente ses excuses à la France parce qu’on a sifflé La Marseillaise ! Le match ne reprendra que dans la tranquillité parce que nous sommes des Français !», s’était alors exécuté Claude Simonet, président de la FFF. Cette scène s’était produite moins d’un an après un France-Algérie où des supporters algériens avaient sifflé La Marseillaise puis envahi la pelouse du Stade de France à la 76e minute.
Peu importe le choix d’Emmanuel Macron ce samedi, les syndicats ont déjà annoncé leur volonté de distribuer des cartons rouges et des sifflets à la sortie des «transports qui permettent d’accéder au Stade de France». «Cette action vise à montrer symboliquement notre opposition à la réforme des retraites», a justifié à l’AFP le secrétaire départemental de la CGT, Kamel Brahmi. «Emmanuel Macron devrait se faire huer à la 49e minute», prédit Jean-Baptiste Guégan. Une référence au 49-3 utilisé par le gouvernement pour faire passer sa réforme des retraites, comme ce fut le cas lors du match des Bleus contre les Pays-Bas le 24 mars dernier.