La rechute est violente. Historique. Après deux saisons dans le creux de la vague après la crise sanitaire, les All Blacks arrivaient en Europe requinqués après avoir survolé le dernier Rugby Championship, signant quatre succès probants et remportant la compétition phare de l’hémisphère sud pour la 20e fois (10 fois depuis l’intégration de l’Argentine en 2012) avec notamment un succès 35-20 sur les Boks. Les nuages se dissipaient, pensait-on, après une série de revers humiliants, notamment cette série de test-matchs perdus à domicile face à l’Irlande (2-1) – une première depuis 1994 contre le XV de France de Pierre Berbizier – et un premier revers sur leurs terres contre l’Argentine.
Tout semblait appartenir au passé, les triples champions du monde (1987, 2011, 2015) avaient retrouvé cet été leur rugby spectaculaire, offensif, athlétique et ultra-efficace. Mais ça, c’était avant de croiser la route des Springboks, eux aussi triples champions du monde (1995, 2007, 2019), vendredi soir à Twickhenham. Pour une humiliation qui fera date. La plus lourde défaite de leur histoire. Il faut remonter à la demi-finale du Mondial 2019 contre l’Angleterre pour voir les Néo-Zélandais dominés et broyés à ce point.
À moins de deux semaines de l’ouverture de la Coupe du monde (8 septembre-28 octobre) contre la France, les vieux démons ont sauvagement ressurgi dans les têtes néo-zélandaises. Une équipe archi dominée physiquement, une discipline rédhibitoire (deux cartons jaunes en un quart d’heure et un carton rouge pour Scott Barrett dans la foulée, qui manquera au moins le match d’ouverture) et, plus grave, aucune solution offensive, un jeu totalement amorphe et transparent. Incapable de se dépêtrer du rouleau compresseur sud-africain.
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Forcément, difficile de se relever après un tel KO. C’est pourtant ce que tentent de faire les Kiwis. «On connaît la situation dans laquelle on est et l’objectif que nous voulons atteindre», nuance néanmoins le sélectionneur Ian Foster, qui a déjà traversé pas mal de tempêtes. «On ne peut pas nier que ce n’était pas une bonne performance de notre part, poursuit-il. Nous avons quelques semaines pour parvenir à nous redresser et je crois totalement que nous le pouvons.»
Au pays du Long nuage blanc, la presse a immédiatement – et logiquement – ressorti la sulfateuse après ce désastre. Le New Zeland Herald, premier quotidien de l’archipel, parle d’un «carnage» : «Les All Blacks voulaient passer un vrai test pour leur dernier match avant la Coupe du monde. Ils l’ont obtenu. Et beaucoup, beaucoup plus que ça…» L’inquiétude est grande, d’autant qu’ils devraient recroiser la route, en quarts de finale, de ces mêmes Springboks ou des Irlandais, qui certes ne les avaient jamais battus avant 2016 mais qui restent depuis sur 5 victoires en 8 affrontements.
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Mais le sélectionneur kiwi veut positiver. Méthode Coué puissance 1000. «Ce match va nous enlever beaucoup de pression, veut croire Ian Foster. Personne ne va nous surévaluer maintenant, ce qui est plutôt bien. Nous allons simplement nous préparer tranquillement et rester entre nous.» Le talonneur Dan Coles tente aussi de regarder le verre quasiment vide. «Nous avons reçu un coup de poing mais nous devons juste nous relever et repartir de l’avant. Cela commence demain (samedi) quand nous nous réveillerons et les choses commenceront à se mettre en place, mais l’important est que vous n’ayez pas peur», avance-t-il.
Et le joueur des Hurricanes de Wellington d’ajouter : «On a l’impression que quelque chose de vraiment grave s’est produit, et c’est ce qui est arrivé, mais la première chose est de digérer tout ça, de tirer les leçons et de se réapproprier les choses lors des deux prochaines semaines. Il faut juste être très dur avec nous-même et ensuite nous trouverons des solutions. Ce sera le moteur de l’équipe.»
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Dans un passé récent, notamment au début des années 1980 ou avant le sacre de 2011, les All Blacks avaient déjà connu des moments tourmentés. Avant de trouver les ressources pour rebondir et de redevenir l’une des meilleures nations mondiales. Sauf que là, le temps presse… Les Néo-Zélandais vont terminer leur préparation en Allemagne avant le début de la compétition. Mais leur rêve de devenir la première équipe à soulever quatre Coupes du monde a sérieusement pris du plomb dans l’aile. Contrairement à la bestiale Afrique du Sud, qui se réveille tout le temps juste avant les joutes planétaires.