Ce sont deux demi-finales bien distinctes, au moins du point de vue de l’histoire. D’un côté, le Paris SG qui court après sa première Ligue des champions, et le Borussia Dortmund sa deuxième. De l’autre, pas moins de 20 coupes aux grandes oreilles sur la balance. C’est une histoire revisitée maintes fois, avec toujours les mêmes costumes, les mêmes lieux, les mêmes rôles, juste les acteurs qui changent. Mardi (21h00), c’est l’affiche la plus commune de l’histoire de la Ligue des champions que vont interpréter le Bayern Munich et le Real Madrid.

S’ils n’ont jamais croisé le fer lors des vingt premières éditions (1956 à 1975), Real et Bayern se sont affrontés à 26 reprises depuis, toujours en aller-retour. Les trois dernières fois (2012, 2014, 2017), le duel a tourné en faveur des Merengue. Ou du «plus grand club du monde», comme l’a qualifié l’entraîneur bavarois Thomas Tuchel, usant d’une étiquette que les adversaires ne cherchent même pas à décoller de la peau du Real, tant ce serait nier l’évidence.

On pouvait encore débattre de ce titre honorifique, il y a dix ans, avant que le Real ne mette fin à sa disette en C1 (zéro victoire finale entre 2002 et 2014). Depuis qu’il a gagné sa «decima» (sa dixième Ligue des champions), le Real en a décroché quatre autres. Il a repoussé les limites de l’impossible, multipliant les remontées au score, les buts à la dernière minute. Il a autant nourri une sérénité de tous les instants que la peur chez le rival, celle de savoir que le Real, même mené, malmené, va se relever et encore frapper. Cette aura indescriptible, un peu irrationnelle, est encore présente cette saison.

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«On ne peut pas dire que c’est juste de la chance, ils ont confiance en eux et ils ont la qualité individuelle pour battre n’importe qui», a complimenté le joueur munichois Joshua Kimmich en conférence de presse. L’Allemand a peut-être en tête la victoire madrilène dans le Clasico face à Barcelone il y a dix jours (3-2) grâce à un but dans le temps additionnel de Jude Bellingham (90e 1). Le genre de scénario déjà aperçu contre Séville (1-0, Modric 81e), Las Palmas (1-2, Tchouameni 84e), Almeria (3-2, Carvajal 90e 9) et contre… le Barça en octobre (1-2, Bellingham 90e 2).

«Lorsque vous examinez leurs buts et que vous remontez de 10 secondes, souvent, vous ne les voyez pas arriver, a analysé Tuchel. Tout semble sous contrôle, même lorsque le Real est en infériorité numérique dans une zone précise, puis les buts surgissent soudainement.»

Quand ce n’est pas aux joueurs, c’est à Carlo Ancelotti que reviennent les fleurs. «Ce que j’ai retenu de lui : rester calme dans les bons comme dans les mauvais moments», expliquait récemment son ancien joueur Xabi Alonso, coach d’un Bayer Leverkusen invaincu en 46 matches. «Ils sont rarement la meilleure équipe, on l’a vu contre Leipzig et Manchester City, mais ils passent quand même car ils croient en leurs forces», a insisté Kimmich. Capable de résister puis de piquer, le Real serait donc d’abord fort dans la tête. Là où le Bayern a perdu la sienne en cours de saison.

Car ce sont deux trajectoires bien différentes que connaissent Madrilènes et Bavarois cette saison. Le Real est à un match d’être sacré champion d’Espagne, après avoir gagné la Supercoupe en janvier. Le Bayern craint sa première saison blanche depuis 2012. En février, le club a officialisé le départ de Tuchel à l’issue de la saison. Les choses allaient si mal que ce dernier a failli être limogé avant même le terme. Le Bayern a frôlé une humiliante élimination dès les 8es de finale, s’inclinant chez la Lazio Rome (1-0) avant de se ressaisir à la maison (3-0).

«Les quarts de finale étaient notre objectif minimal, pour le club et pour moi», avait pointé Tuchel après la qualification, qui n’a pas soigné les maux de son équipe. Elle a trébuché contre le Borussia Dortmund en championnat le 30 mars (0-2), puis chez le promu Heidenheim le 6 avril (3-2). Pourtant, elle s’est mise au niveau du rendez-vous face à Arsenal (2-2, 1-0). «J’ai tout donné dès le premier jour ici et je donnerai tout jusqu’au bout, a soufflé Tuchel. Un grand bravo à l’équipe, c’est tout.»

Il faudra un peu plus que de la volonté mardi à l’Allianz Arena. D’abord la conscience que les 90 minutes à Madrid, dans une semaine, paraîtront très longues, quoi qu’il arrive. «On aura besoin de tactique et de chance, a explicité Tuchel. Si vous voulez battre le Real, vous avez besoin de tout le package.» L’ancien entraîneur du PSG promet d’aborder ce duel «comme une finale». Ironie de l’histoire : le Real et le Bayern, les deux adversaires les plus courants de la Ligue des champions, ne se sont jamais rejoints en finale.