Auteur d’une saison de patron alors qu’il n’a que 21 ans, Nadir Hifi continue de prouver un peu plus à chaque match que tout est atteignable. Avec ses 35 puis ses 22 unités lors de ses deux dernières rencontres, le natif de Strasbourg est devenu le meilleur marqueur du championnat de France (16.2 points de moyenne). Une progression logique mais qui n’était pas simple pour autant. Il y a encore 4 ans, ce dernier se trouvait en Nationale 3 après avoir essuyé des refus de plusieurs centres de formation. C’est finalement l’an dernier, au Portel, qu’il a bouclé une saison qui l’a révélé aux yeux du monde entier, même outre-Atlantique où il s’était inscrit à la draft NBA. Après avoir vu 30 noms appelés sans entendre le sien, Nadir Hifi était finalement rentré en France pour s’engager avec le Paris Basketball pour une durée de 3 ans.
Un choix logique selon celui qui ne voulait pas brûler les étapes après avoir été convoité par des cadors européens. «Le Paris Basketball me suivait depuis tôt dans la saison l’année dernière et c’est important pour moi. Je suis au courant que le club est en pleine montée dans son histoire et pour moi c’était important de passer un step dans ma jeune carrière aussi en allant jouer au niveau au-dessus. J’avais l’opportunité d’intégrer des clubs d’Euroligue mais je voulais rejoindre un club avec un niveau intermédiaire comme l’Eurocoupe, je pense que c’était parfait pour moi. Je ressentais vraiment l’envie de venir au Paris Basketball parce que c’était le meilleur environnement mais le meilleur feeling aussi», déclare-t-il au Figaro après un entraînement à la Halle Carpentier.
Dans un tout nouvel environnement, Nadir Hifi était prêt pour relever ce défi de taille même si ce dernier pouvait sembler assez flou. Au moment où sa signature s’est concrétisée, le club parisien venait de se séparer de son coach (Will Weaver, parti à Brooklyn en NBA) ainsi que de plusieurs joueurs cadres qui composaient l’effectif parisien.
«Quand j’ai signé, je ne savais pas quel coach allait arriver ici mais le projet du club était le plus important», explique Hifi. C’est Tuomas Iisalo, jeune entraîneur fraîchement vainqueur de la Ligue des champions avec Bonn, qui a débarqué sur le banc parisien. Avec deux assistants et des joueurs du club allemand dans ses valises (Sebastian Herrera, Colin Malcom, Leon Kratzer, Tyson Ward…). Aux dépens des Parisiens déjà présents ? «Je n’avais pas forcément eu peur de ça, justement je pense que c’était mieux pour l’équipe qu’il vienne avec plusieurs joueurs qui connaissent le système, estime Hifi. Sur l’intégration, il fallait juste que nous (les autres recrues hormis celle de Bonn, ndlr) on s’adapte et puis ça allait très bien comme ça.» Au final, il restait même de la place pour le meneur de poche TJ Shorts avec qui Hifi s’entend à merveille.
«Je pense qu’aujourd’hui on est un des meilleurs backcourts en Europe, mais maintenant il faut qu’on arrive à le prouver à un niveau au-dessus. Je pense surtout qu’on s’entraide, on est des compétiteurs tous les deux, on se parle beaucoup. Ce qui fait qu’on devient meilleur toutes les semaines, c’est d’échanger et être en compétition à l’entraînement comme ça» affirme l’international français (1 sélection). Si TJ Shorts, américano-macédonien, est plus âgé que lui (26 ans), il y voit un modèle et s’inspire de certaines parties de son jeu, notamment du tir mi-distance, la véritable spécialité de son compère. «Je l’ai beaucoup copié sur ce point-là parce que c’est très important. J’avoue que l’année dernière j’allais soit au lay-up soit je tirais juste à trois points. Mais je pense que c’est un élément clé que j’ai ajouté cette année qui me permet de tout faire sur le terrain maintenant. J’ai bien augmenté ma palette offensive», ajoute Hifi.
Après une saison pleine de promesses du côté du Portel (16.8 points et 3.4 passes en 30.8 min), Hifi a dû apprendre un nouveau rôle, celui de sortir du banc. Une adaptation pas simple pour l’option principale qu’il a toujours été, mais ce dernier a compris que cela faisait partie de sa route vers les sommets. «Ça m’a fait bizarre au début c’est sûr, parce que j’ai toujours eu l’habitude d’être titulaire. Mais j’ai appris avec le temps que le haut niveau ce n’est pas comme ça, tu peux commencer sur le banc comme sur le terrain. Je pense qu’être un joueur de très haut niveau c’est surtout s’adapter et je pense que je l’ai plutôt bien fait cette année», exprime-t-il. C’est sous les ordres de Tuomas Iisalo qu’il a ainsi découvert la coupe d’Europe où ce rôle ne lui a posé aucun problème (16.8 points à 38% à 3 pts, en 22 min). Il est donc reconnaissant de cette opportunité et n’hésite pas à remercier son entraîneur pour la confiance qu’il place en lui.
«J’ai une très bonne relation avec lui. Il sait ce que je sais faire et il est au courant de mon talent, de ce que je peux apporter à l’équipe. Mais aujourd’hui il veut que je devienne un des meilleurs joueurs en Europe donc c’est normal qu’à chaque erreur il soit sur mon dos. En fait, il veut mon bien et c’est ce dont j’ai besoin aujourd’hui. Je n’aurais pas pu tomber sur un meilleur staff et un meilleur coach qu’eux surtout à ce moment-là de ma carrière. Donc j’aimerais bien gagner beaucoup de titres avec ce coach et grandir aussi avec lui parce qu’il vient de commencer sa carrière il n’y a pas si longtemps, donc j’aimerais vraiment faire de grandes choses avec cette équipe et lui et son staff», avoue le jeune arrière.
Des titres il en a déjà remporté un cette saison. La prestigieuse Leaders Cup, gagnée face à Nanterre après avoir éliminé Monaco en demi-finale notamment. Mais le Paris Basketball vise toujours plus haut. Mardi soir (20h45), dans leur nouvel antre de l’Adidas Arena, les Parisiens reçoivent les London Lions pour le match aller des demi-finales d’Eurocoupe. Après avoir partiellement rempli l’Arena pour les rencontres face à Nancy (113-71) puis face à Limoges (101-77), le club espère faire le plein pour ce choc européen. Les deux équipes se sont déjà affrontées cette année en phase de poules et Paris avait remporté chacune de ces confrontations. Mais si le match aller était à sens unique (93-72), le retour était bien plus accroché avec une double prolongation, où les Parisiens s’étaient tout de même imposés (106-102). Dans ces deux rencontres, Nadir Hifi a toujours gardé la tête froide et n’a jamais perdu confiance, comme dans chaque match.
Même dans des soirs où il s’est retrouvé en délicatesse avec son tir, il ne perd jamais cette fameuse confiance et arrive à toujours penser à ses prochains tirs plutôt qu’à ceux qu’il vient de manquer. «Faut juste te dire que le match est très long, un match c’est 40 minutes. Ça fait partie de mon caractère, de la personne que je suis, de jamais rien lâcher et même si pendant 37 minutes je n’ai pas été dedans, si les 3 dernières c’est pour faire gagner l’équipe, je le ferai. Je garde toujours la confiance en moi. Je travaille ça toute l’année. C’est surtout un travail qu’il faut faire sur soi-même et j’ai beaucoup progressé sur ça. Et si je veux être un joueur de top niveau il faut que je me rapproche le plus de la perfection», avoue-t-il.
Même s’il n’a pas été retenu lors de la dernière draft NBA, il retient du positif de cette situation et ne regrette pas de ne pas avoir retiré son nom. Non sélectionné durant celle de 2023, il ne pourra donc plus se présenter pour les prochaines, mais reste libre de signer un contrat avec n’importe quelle franchise. «Je pensais que c’était le meilleur moment parce que je n’allais pas grandir (en taille, ndlr) surtout que je n’étais pas sûr de mon temps de jeu et de mes performances sur la saison qui arrivait à Paris. Mais avec un peu de recul quand je vois la saison que je fais, j’aurais peut-être dû l’enlever. Mais bon, c’était un choix et on fait tous… (Il se coupe) Non, je ne pense pas que c’était une erreur mais bon… Maintenant j’ai l’avantage de pouvoir me faire signer par 30 franchises alors que l’année dernière ça n’allait se jouer que sur une franchise.»
Ce choix n’a donc pas eu d’incidents sur sa progression car il a même eu accès aux portes de l’équipe de France pendant les fenêtres de qualification au prochain Euro, une expérience dont il tire du positif malgré un temps de jeu réduit. «L’objectif de l’équipe de France, c’est d’être avec des joueurs de très haut niveau autour de toi. Après on n’avait pas beaucoup de temps pour travailler mais je sais que cette première sélection va m’aider à passer un cap sur ma carrière et sur mon niveau. J’ai appris beaucoup de choses. L’objectif c’était de gagner deux matches, on l’a fait et je suis très content. Premiers points en plus», confesse-t-il en rigolant. Cette ascension fulgurante est le fruit d’un nombre incalculable d’heures de travail, il a d’ailleurs encore un peu de mal à réaliser tout ce qui lui arrive.
«Tout est allé vite, je n’ai pas forcément eu le temps de me rendre compte de ce qui m’arrivait et de comment ma carrière évoluait. Mais je pense que tout s’est fait via le travail. J’ai tellement travaillé, je n’ai jamais pensé que je pourrais être là aujourd’hui mais avec beaucoup de travail et du dévouement, tu peux arriver à des endroits où tu n’aurais jamais imaginé être et c’est ça la beauté et c’est aussi pour ça que je suis amoureux du basket», reconnaît-il.
«On n’a pas le temps de célébrer encore. Aujourd’hui on n’a pas atteint tous nos objectifs. Quand la saison sera finie, là je pourrais peut-être célébrer et profiter en vacances mais tant que la saison n’est pas terminée, je ne peux pas encore me relâcher. Il faut rester focus», ajoute-t-il. Contre Londres mardi soir, c’est toute l’équipe de Paris qui sera focus pour mettre un premier pied en finale de coupe d’Europe, pour seulement la deuxième participation de son histoire. Le deuxième match de cette série sera le vendredi 29 mars à Londres, avant de revenir à Paris pour un épilogue potentiel le 3 avril. En attendant Nadir Hifi compte bien garder son statut de 3e meilleur marqueur cette saison en Europe pour enflammer le public parisien qui ne demande qu’à exploser derrière son électron libre préféré.