C’est une déclaration fracassante qui vient rompre un silence médiatique de plusieurs mois. Depuis l’Alpe d’Huez (Isère) où se tenait samedi le congrès des maires ruraux de France, le patron LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez a annoncé que sa collectivité ne participerait pas au «zéro artificialisation nette». Ce dispositif qu’il qualifie de «ruralicide» vise à stopper la bétonisation des sols d’ici 2050 en réduisant drastiquement la surface de terres constructibles.
«Mettre sous cloche les décisions des permis de construire sur la ruralité, cela signifie qu’on s’interdit toute forme d’avenir (…). J’ai décidé que la région se retirait du processus. On le fait en lien avec les départements avec lesquels on a échangé dessus», a lancé l’ancien patron de LR devant un parterre d’élus locaux, pas franchement emballés par la mesure législative.
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Une décision unilatérale qui a aussitôt fait bondir le camp présidentiel, où l’on dénonce la «démagogie» du candidat putatif de LR pour 2027. «Il ne peut pas faire le choix de la facilité en refusant de prendre sa part dans la transition écologique de notre pays et en jouant les territoires les uns contre les autres», a cinglé le ministre de la Transition écologie, Christophe Béchu. Invité dimanche sur Europe 1, le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, est même allé jusqu’à évoquer des «sanctions» contre le patron de l’Aura si sa région s’exonérait de la loi. Laurent Wauquiez peut-il vraiment sortir sa collectivité du dispositif ?
Sur le terrain juridique, la prise de position de Laurent Wauquiez semble difficilement applicable. Le dispositif «ZAN» s’inscrit en effet dans le cadre de la loi Climat et résilience, adoptée en juillet 2021, qui confie aux régions la tâche de se fixer un objectif de réduction de la bétonisation des terres. «Laurent Wauquiez n’a pas le droit d’y déroger, c’est un objectif qui est fixé par le législateur et qui s’impose aux régions. Il n’a pas à choisir d’appliquer ou de ne pas l’appliquer: il y est obligé», décrypte Jean-Baptiste Duclerq, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Saclay.
Une simple déclaration ne suffit pas non plus à balayer d’un revers de main ce dispositif inscrit dans le marbre législatif. «Comme il s’agit d’une loi en matière d’urbanisme et d’environnement, ce sont essentiellement les communes et les intercommunalités qui sont concernées dans les faits», souligne Olivier Renaudie, professeur en droit public à l’École de la Sorbonne. Perplexe, le juriste voit mal comment le patron d’Aura pourrait traduire ses paroles en actes : «De quoi pourrait-il se retirer ? La région ne joue pas un rôle majeur dans l’application du zéro artificialisation nette.»
Reste que Laurent Wauquiez pourrait concrétiser son annonce dans le document de planification (Sraddet), qui définit les grandes lignes de l’aménagement du territoire à l’échelle régionale. Ce précieux rapport fixe précisément les objectifs relatifs au développement durable, avant d’être décliné au niveau départemental puis communal. «S’il choisit de sortir des objectifs nationaux, ce document sera contraire à la loi et donc illégal», éclaire Jean-Baptiste Duclerq.
Une faille juridique dans laquelle n’hésiteront pas à s’engouffrer les associations de défense de l’environnement en déposant un recours auprès du tribunal administratif. «Dans ce cas, le juge administratif constatera immanquablement l’illégalité du document», assure l’avocat spécialiste des questions environnementales, Jean-Baptiste Duclerq.
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C’est ce qui avait également conduit son collègue LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, à revoir la copie de son «Sradett». Dans son document voté en 2020, ce fervent opposant aux éoliennes avait affiché l’ambition de développer «des énergies renouvelables (…) autres que l’éolien terrestre». Après le recours d’une association, le juge administratif avait finalement contraint la région à reconsidérer ses objectifs.
Difficile enfin d’imaginer une quelconque sanction à l’encontre de Laurent Wauquiez, comme l’a pourtant avancé Olivier Véran. «Il ne risque rien», tranche Olivier Renaudie, pour lequel sa déclaration s’inscrit davantage sur le plan «politique» que «juridique». Seules les communes réfractaires sont en réalité exposées à des représailles si elles ne respectent pas le calendrier du «ZAN». Elles peuvent dans ce cas subir un gel des autorisations d’urbanisme pour leur plan local d’urbanisme (PLU) ou une suspension de l’ouverture de zones à urbaniser.