Même horaire, même quartier, mais ambiance aux antipodes. Alors que les syndicats avaient appelé mardi à mettre «la France à l’arrêt» et défilaient à Paris à quelques pas du Sénat, gardé par de nombreux camions de gendarmerie, les sénateurs poursuivaient l’examen du projet de loi sur la réforme des retraites. Avec la ferme intention d’avancer sur le fond.
Après avoir longuement évoqué l’article 6, les parlementaires se sont attaqués dans la soirée au cœur du texte avec l’article 7 – ce que n’avaient pas réussi à faire les députés -, qui prévoit de reporter l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
«Le timing de l’examen du texte est respecté», s’était d’ailleurs réjoui quelques heures plus tôt Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR, en réunion de groupe, tout en souhaitant désormais accélérer. «Ne pas voter un texte, c’est alimenter l’antiparlementarisme, avait-il insisté. Sinon, beaucoup de Français considéreront qu’à discuter de façon infinie, à ne pas faire notre job, qui est de voter, le Parlement ne sert à rien.»
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«Nous irons avec volonté au bout du texte», avait poursuivi à ses côtés le président du Sénat, Gérard Larcher, en appelant les élus à «réduire les débats après l’article 7». Manière d’indiquer que toutes les dispositions réglementaires (article 38 et 42 du Sénat, notamment) seront prises, si besoin, par la majorité sénatoriale pour pouvoir aborder tous les articles avant dimanche soir, date butoir des discussions.
«Il va falloir être directif, et le gouvernement doit faire preuve de courage», a poursuivi le président du Sénat en réunion de groupe. Si l’article 7 devait être discuté dans la nuit de mardi à mercredi par les sénateurs LR et centristes, la majorité sénatoriale comptait bien aller au-delà.
Avec l’objectif ensuite de s’attarder sur l’article 8 et les questions de carrière longues et de départ anticipé, l’article 9 sur la pénibilité et la prévention de l’usure professionnelle, l’article 10 sur la revalorisation des petites pensions, ou encore l’article 13 et le sujet du cumul emploi et retraites. Pour Bruno Retailleau, «il n’est pas question qu’on se laisse prendre en otage d’une volonté d’obstruction de l’opposition».
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Pour tenir les délais avant la date butoir du 12 mars, Gérard Larcher a donc présidé à nouveau la séance de nuit mardi soir. De quoi satisfaire le gouvernement. «Ce que je souhaite, c’est que, dans cet hémicycle, continue à se manifester l’expression du débat démocratique et de nos institutions. C’est ce que j’ai perçu depuis l’examen de ce texte», s’est réjoui Gabriel Attal.
Et le ministre de l’Action et des Comptes publics de dénoncer, au-delà du droit «légitime» à manifester, «ceux qui appellent au blocage partout, tout le temps, et qui appellent, pour reprendre certains mots, à mettre l’économie française à genou».
«On vous a proposé bien des solutions, M. le ministre, pour dire aux Français que vous les aviez compris. Ce n’est pas le cas», a répliqué Patrick Kanner, le président du groupe PS au Sénat. «C’est une réforme de droite! a dénoncé la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann (groupe Communiste, républicain, écologiste et citoyen), mais une large partie de ceux qui manifestent ne sont pas de gauche, (…) le refus va au-delà du clivage gauche-droite!»
Si, actuellement, une majorité de Français se dit opposée à la réforme des retraites, pour Bruno Retailleau, «un retournement de l’opinion publique est à prévoir dans les jours à venir si le conflit se durcit».