Entre stupéfaction et colère, Les Républicains accusent le coup. L’un de ses visages, et non des moindres, a fermé la porte de la rue de Vaugirard pour rejoindre la rue de Valois. Désormais, Rachida Dati fait partie du gouvernement Attal, en tant que ministre la Culture. Une prise de guerre qui a rendu «très heureux» le nouvel hôte de Matignon, invité du JT de TF1, ce jeudi 11 janvier.
«On est passé de Malraux à Dati en 70 ans… C’est abyssal», souffle-t-on, désolé, à droite. C’est surtout une franche surprise. Quelques heures avant l’annonce officielle, un poids lourd s’étouffait : «Mais arrêtez avec vos bêtises, vous êtes rigolos, vous ! Je n’y crois pas du tout. Et puis, aller à la Culture, à quel titre ?» Ce très proche de la maire du VIIe arrondissement de Paris assurait également : «Je l’ai eue encore très récemment… C’est impossible.» Il n’empêche, la chose est faite. Et après le fatras des rumeurs et des murmures, les inquiétudes et les coups de fil, la droite sent sur ses épaules ce qu’elle connaît déjà bien : une certaine fatalité.
En face, dans le camp Macron, l’on se réjouit : «C’est une femme qui ne laisse personne indifférent, une femme d’engagement, d’énergie, qui s’est battue toute sa vie pour obtenir ce qu’elle voulait obtenir», estime Gabriel Attal. «C’est surtout une trahison», commente-t-on chez LR. «Ils peuvent faire rentrer trois Dati cela ne leur donnera pas une majorité !» Très rapidement, les langues à droite ont cru discerner en cette nomination de l’ancienne Garde des Sceaux la main, si nuisible pour LR, de Nicolas Sarkozy : «Impensable qu’elle y soit allée sans son accord…». Cette nomination, à les écouter, est une nouvelle étape dans la rupture impulsée par l’ancien président de droite avec le parti, amorcée dès la campagne de Valérie Pécresse (au cours de laquelle Sarkozy avait été sifflé dans les meetings de campagne) et dont le terrible score n’aura pas empêché le «supplice chinois», dixit un élu, que subit le parti.
Le patron des Républicains, Éric Ciotti, a été informé par Rachida Dati elle-même en fin d’après-midi. L’édile a alors été écartée du poste de présidente du conseil national de LR et a, en choisissant de rejoindre le gouvernement Attal, quitté le parti. Tout en gardant son statut de présidente du groupe d’opposition «Changer Paris»… Ce qui ne manque pas de faire grincer quelques dents. En attendant le prochain Comité stratégique des Républicains, prévu mardi, certains – dont le sénateur Francis Szpiner – réclament déjà sa tête. Jeudi soir, les téléphones ont chauffé. Gérard Larcher et Éric Ciotti se sont parlé. Et les cadres du parti, à la fois agacés et désolés, partagent une forme de triste compassion à l’égard d’Éric Ciotti qui a voulu croire en la parole du jeune premier ministre. Celui-là même qui lui a assuré en personne qu’il n’y aurait pas de débauchages à droite. De toute évidence déçu, le patron de LR regrette un «coup de poignard dans le dos». Un ténor renchérit : «C’est une déclaration de guerre de la part de Macron. La suite du quinquennat va se tendre avec la droite. C’est inévitable.»
Dans les rangs retaillistes, l’on s’agace et l’on prône une «vraie rupture» : «Éric Ciotti s’est fait avoir sous toutes les coutures. C’est la conséquence de la vieille droite avec laquelle il avait pactisé pour décrocher la présidence LR. Il en paye le prix aujourd’hui.» L’un d’entre eux lâche : «Je ne lui en veux même pas, à Rachida : qu’est-ce que LR propose aujourd’hui ? Pour les européennes, on a des mecs qu’on désigne du bout des doigts avec des pinces à linge ; pour 2027, on a des candidats qui se planquent… On est trop impuissants pour proposer une espérance.» Coup dur, donc.
Mais Rachida Dati, «c’est aussi un fardeau en moins dont on prendra conscience avec le temps», veut-on croire. L’entourage de Laurent Wauquiez (qui a été prévenu par Éric Ciotti vers 18 heures), admet : «Ce n’est pas une bonne nouvelle, évidemment.» Et ajoute : «Est-ce que la nomination de Dati change les fondamentaux ? Les fondamentaux, c’est une macronie qui arrive épuisée après dix ans d’exercice du pouvoir. Dati ou pas, en 2027, les Français attendront une nouvelle offre.»