Emmanuel Macron, comme à chaque «crise politique», a sorti une innovation de son chapeau. Pour sortir d’un «moment que [le président] juge inédit», Olivier Véran a annoncé que «l’initiative politique d’ampleur» du chef de l’État pourrait aboutir au «préférundum». À l’instar du «Grand Débat» après la crise des gilets jaunes, le gouvernement n’a pas particulièrement précisé les contours de cette innovation. «C’est un concept qui nous permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d’un même vote. Vous pouvez poser des questions multiples aux Français. Je ne dis pas que c’est ce qui est sur la table, mais aucune porte n’est fermée», a tout de même détaillé Olivier Véran, porte-parole du gouvernement.

Cette exégèse présidentielle pourrait être clarifiée après la rencontre, ce mercredi à la maison d’éducation de la Légion d’honneur, entre les chefs de parti et Emmanuel Macron. Néanmoins, elle se heurte à plusieurs obstacles. D’abord, les sujets qui peuvent être soumis à référendum sont encadrés par l’article 11 de la Constitution : «Le Président de la République […] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions».

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«La gauche demanderait un référendum sur la réforme de retraites. La droite et le RN sur l’immigration, un domaine qui n’est pas prévu par l’article 11», subodore Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris Panthéon-Assas. «Par ailleurs, l’organisation pratique d’une multiplicité des référendums, une urne par vote, rendrait cette option difficile», ajoute-t-il. D’autant que la Constitution prévoit un vote par référendum sur un projet de loi présenté au préalable. «Le gouvernement doit donc proposer un vote sur un texte que les Français approuvent ou repoussent », certifie Benjamin Morel.

Le gouvernement pourrait aussi proposer aux Français de se prononcer sur des sujets avec des réponses variées : «insuffisant», «à rejeter», «très bien» ou encore «excellent». Une méthode défendue et proposée par le collectif citoyen «mieux voter», mettant en avant le «jugement majoritaire». Emmanuel Macron, pour relancer son second quinquennat, pourrait alors innover en proposant une consultation politique, comme pour le Grand Débat ou celui sur l’identité nationale sous Nicolas Sarkozy.

Mais celui-ci serait «sans valeur juridique. Si la question de l’immigration est évoquée, par exemple, et qu’une majorité de Français souhaite la restreindre, le gouvernement pourrait créer un projet de loi qui serait débattu, puis voté au Parlement», note Benjamin Morel. Ce qui reviendrait, in fine, pour Emmanuel Macron à se positionner sur des débats. Alors qu’en proposant des ’préférendums’, il tente de se placer au-dessus de la mêlée. Reste à savoir si ce «coup politique» ne sera pas un coup dans l’eau.