C’est une petite musique qui tourne et qui tourne dans les couloirs de l’hôtel de ville de Paris ces dernières semaines. Anne Hidalgo serait en route pour briguer un troisième mandat en 2026. La rumeur semble amuser la maire socialiste, à la tête de la capitale depuis 2014. Pour l’heure, elle ne souhaite rien confirmer… et encore moins démentir. «C’est moi le maître de mes horloges», lâche-t-elle, confiant simplement son «bonheur d’être maire de Paris». Comme un indice? Anne Hidalgo n’en dira pas plus. La maire veut garder toutes les cartes en main, et le plus longtemps possible.
Ces derniers jours, le tapis de jeu parisien a été modifié en profondeur. En entrant au gouvernement, Rachida Dati aurait scellé un pacte avec Emmanuel Macron pour espérer conduire une liste d’alliance entre LR et Renaissance en 2026. Dans un premier temps, Anne Hidalgo aurait «éclaté de rire» selon ses proches en apprenant la nomination de sa rivale de droite. Lors du très houleux Conseil de Paris de novembre, elle l’attaquait encore: «Mme Dati se fait la principale défenseur du gouvernement. Prenez votre carte chez Renaissance, au moins ce sera clair.»
Mais Anne Hidalgo ne riait plus mardi soir en écoutant Emmanuel Macron confirmer sa volonté de réformer le système électoral PLM (Paris, Lyon, Marseille). Une élection au suffrage universel direct pourrait compliquer un peu plus la bataille. Dans son entourage, on dénonce un «magouillage électoral», tout en minimisant: «La trahison de Dati ne passe pas à droite. Nous sommes très, très loin d’une candidature unique de Dati.»
Cette nouvelle configuration ne semble pas changer les plans de la maire sortante. «Elle veut conserver la liberté de choisir pour 2026 et donc garder la maîtrise de son calendrier», observe Patrick Bloche, un de ses plus proches adjoints. Au sein de la droite parisienne aussi, les doutes sont faibles. «Anne Hidalgo n’arrivera pas à lâcher. C’est trop dur pour elle de se dire qu’elle peut être à la retraite alors qu’elle est au centre de toutes les attentions à Paris. Elle se prend pour le soleil au milieu de l’univers», raille un conseiller LR de Paris.
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L’édile mise gros sur l’année 2024 et les Jeux olympiques qu’elle annonce déjà comme «une fête inouïe», malgré l’avalanche de critiques. Politiquement, ces JO doivent lui permettre de «démontrer» au monde entier sa «transformation» de Paris. Pour ses soutiens, des Jeux olympiques réussis lui offriraient une rampe de lancement naturelle vers un troisième mandat. «Elle fera part de sa décision début 2025», prédit un de ses proches.
Une autre prédiction: Anne Hidalgo ne devrait donc pas s’inscrire dans la lignée de son mentor, Bertrand Delanoë, qui l’avait adoubée comme héritière lorsqu’elle était sa première adjointe. Le sien, Emmanuel Grégoire, pourrait, lui, attendre encore longtemps… Le socialiste ne cache pourtant pas qu’il se «prépare» à reprendre le flambeau en 2026, tout en certifiant qu’il ne ferait rien contre la maire sortante.
Or Anne Hidalgo n’a pas l’intention de lui faciliter la tâche. Dans son entourage, certains n’hésitent plus à dire qu’il n’y a pas d’«héritier naturel». C’est en ce sens que la maire avait fait fuiter l’idée d’une primaire de la gauche pour préparer sa suite en cas de non-candidature en 2026. Une belle peau de banane… «Si je ne suis pas capable de gagner une primaire de la gauche à Paris, je fais autre chose de ma vie», avait poliment réagi Emmanuel Grégoire à la fin de l’été. Au sein du PS, certains l’incitent à accélérer, quitte à tordre le cou à la maire. «Emmanuel est au-dessus du lot tant il maîtrise les dossiers. Tout le monde sait qu’il en a envie», souffle un élu socialiste parisien. «Il est trop peureux pour l’instant…», déplore un autre. Fin novembre, le premier adjoint a malgré tout lancé une première initiative: «Un verre avec vous» pour rencontrer les Parisiens. Une opération qu’il compte renouveler dans tous les arrondissements.
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En vérité, la relation entre Anne Hidalgo et Emmanuel Grégoire s’est détérioriée ces dernières années. «Anne lui reproche de ne pas assez mouiller la chemise pour la protéger lors des polémiques pour ne pas abîmer son éventuelle candidature», décode un proche de la maire. Pendant ce temps, d’autres figures de la majorité émergent, comme l’adjointe, Lamia El Aaraje, également présidente de la fédération PS de Paris. «Anne Hidalgo l’adore. Elle la voit comme un successeur potentiel. Elle se dit que c’est une femme, issue de la diversité, que cela pourrait envoyer un beau message pour sa succession», observe une élue parisienne de droite. «Ça m’est revenu aux oreilles. C’est un mandat magnifique où on agit pour le quotidien des gens, mais nous ne sommes qu’à mi-mandat. Il nous reste beaucoup de boulot. Anne Hidalgo n’a pas fait part de ses intentions. La question ne se pose pas», commente Lamia El Aaraje.
Un responsable socialiste préfère en sourire: «Anne fait monter Lamia pour prouver qu’il n’y a pas d’évidence pour sa succession, et donc rester comme la candidate naturelle. C’est une technique vieille comme la politique.»