Valence (Drôme)
Les Jeunes Républicains font leur rentrée politique à Valence (Drôme) le temps d’un week-end pour réfléchir à l’avenir de la droite. Sous le chapiteau blanc installé en bordure du stade municipal, un étal d’essais politiques accueille les participants. Immigration de Patrick Stefanini, Demeure de François-Xavier Bellamy, « L’archipel français » de Jérôme Fourquet, Les écolos nous mentent, par Jean de Kervasdoué ou encore Osons l’autorité, de Thibault de Montbrial… Au campus des Jeunes LR, avant de passer aux travaux pratiques, on rappelle les classiques aux visiteurs. Les organisateurs attendent 600 à 800 participants.
La jeune droite choisit la ville du quinquagénaire LR Nicolas Daragon pour envoyer quelques messages au parti LR. Samedi, Éric Ciotti, président des Républicains, y est accueilli par des applaudissements. La salle salue chaleureusement le patron de la droite, surtout quand il leur dit avec ferveur qu’il compte sur eux. « Merci d’être engagés et de porter l’espérance. Vous êtes l’avenir. Je veux refaire des Républicains un parti des idées neuves. C’est la jeunesse qui porte ces valeurs et cette espérance. Nous travaillons dur pour porter au plus haut niveau le débat d’idées qui doit apporter des réponses à un pays dangereusement engagé sur la voie du déclin », s’enthousiasme le député des Alpes-Maritimes.
Le discours de Laurent Wauquiez, promis dimanche en fin de matinée comme point d’orgue du meeting est très attendu. Beaucoup espèrent que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes sortira de son silence pour afficher sa détermination en vue de la prochaine présidentielle. « Ils ne devraient pas être déçus », glisse un jeune LR, sourire en coin.
Outre la participation de la présidence LR et du présidentiable Wauquiez, les jeunes LR comptent aussi sur les interventions de quelques figures de la droite, tels Annie Genevard, secrétaire générale, François-Xavier Bellamy, vice-président et chef de file de la délégation LR au parlement européen ou encore Bruno Retailleau, président fraîchement réélu à la présidence du groupe LR au Sénat. Même Henri Guaino, l’ex-conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, est invité à une table-ronde pour essayer de répondre à une question presque stratégique : « 200 ans d’Ernest Renan, comment refaire Nation ? ». Vaste programme et grande ambition que d’affronter ce sujet qui fut posé par l’historien des religions à la Sorbonne en 1882.
Pendant deux jours, donc, les Jeunes LR planchent. La nation mais aussi l’écologie et la croissance, la désinformation, la police, la promesse républicaine, l’ascenseur social… La question cruciale du vote jeune n’est pas posée mais la droite sait qu’elle est cruciale. Comment organiser la (re) conquête d’une jeunesse qui trouve l’herbe plus verte ailleurs ? Côté verdure, le gazon du stade Pompidou n’est pas à plaindre mais pour Les Républicains, les jeunes électeurs restent un défi de taille.
Selon l’Ifop, 41% des jeunes de 18 à 24 ans n’ont pas voté à la dernière présidentielle et plus d’un jeune sur deux ne se sent pas proche d’un parti politique. On sait aussi que 31% de ces électeurs se sont tournés vers Jean-Luc Mélenchon au 1er tour, 26% vers Marine Le Pen et 20% ont choisi Emmanuel Macron, réélu avec néanmoins une chute de 7 points sur le segment des jeunes entre sa première victoire en 2017 et celle de 2022.
Pour cette droite LR qui rêve d’accéder au second tour de l’élection suprême en 2027 pour redresser la France, le vivier des jeunes électeurs est une cible incontournable. Mais pourquoi boudent-ils la droite ?
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À 25 ans, Guilhem Carayon, président des Jeunes Républicains, compte des amis dans toutes les autres formations politiques. En mars 2023, il a fait polémique en s’affichant en une de L’Incorrect avec ses homologues du Rassemblement national et de Reconquête. Au-delà des remous provoqués, cette proximité lui permet de comprendre pourquoi la concurrence est plus efficace que LR sur le vote jeune. « Nous n’avons pas développé suffisamment les thématiques qui parlent aux jeunes. Je pense notamment à celle du pouvoir d’achat quand on sait que, selon Ipsos, 77% des jeunes n’ont plus que 100 euros de reste à vivre en poche quand ils ont payé leurs charges ». Outre la précarité étudiante, il évoque l’insertion professionnelle et l’écologie mais aussi la modernisation des outils de communication.
Un domaine dans lequel travaille Marie, 26 ans, militante à Paris. Elle reconnaît avoir connu des périodes d’exaspération en vivant les faiblesses des Républicains de l’intérieur. « On s’adresse mal ou pas assez aux jeunes sur les réseaux sociaux. La France Insoumise est un modèle qui marche très bien, comme le RN avec Bardella qui est très présent sur Tik Tok et les militants marinistes qui réagissent fortement. Nous ne sommes pas assez présents dans la riposte », note la jeune femme, impatiente de voir son parti trouver des solutions. Une analyse partagée par Éric Ciotti. « L’une des causes de notre échec terrible à la présidentielle est que nous n’avons plus su parler aux électeurs, et notamment aux jeunes. On a écouté certains d’entre eux qui ont de l’influence sur les réseaux et qui nous disent que nos messages ne sont pas reçus par la jeunesse. C’est une lacune. Nous avons besoin de nouveauté et d’audace », souligne le président LR, dont l’action a la tête du parti est d’ailleurs appréciée. Plusieurs participants du campus reconnaissent que les chantiers qu’il a entrepris au cœur du parti, comme le renouvellement et le rajeunissement du parti, vont dans le bon sens. Certains croient d’ailleurs que ces évolutions permettront une introspection plus efficace et porteront leurs fruits.
Valentin Roufiac, 24 ans, estime pour sa part que les LR devraient assumer une plus grande fermeté à l’égard d’Emmanuel Macron. Le président des Jeunes de Paris était partisan de la motion de censure qui vient d’être rejetée sur la programmation des finances publiques parce qu’il estime que sa famille politique n’a « pas à sauver Macron chaque fois ». Et à l’approche des européennes, pour lesquels il estime que Bellamy serait une tête de liste légitime, ce proche d’Aurélien Pradié (il fut responsable des jeunes avec Pradié durant la campagne pour la présidence LR) estime que la droite doit afficher clairement ses différences avec le pouvoir. Valentin Roufiac, qui vient de se déclarer candidat pour les élections internes des jeunes LR des 26 et 27 novembre (même s’il lui sera très difficile d’obtenir le nombre de parrainages requis) croit aussi que la conquête des jeunes électeurs doit se faire sur le terrain. C’est ce que soutien aussi Céline, 27 ans, fille d’une élue locale. « Ce n’est pas simple mais il faut aller les chercher dans les facultés, les écoles… Tout l’enjeu sera de monter en puissance jusqu’en 2027. Mélenchon et Le Pen sont forts auprès des jeunes mais ils ne sont pas encore au pouvoir et nous pouvons être audibles si nos sujets sont portés par des personnalités qui savent en parler », juge-t-elle, en estimant que l’actuel président des LR s’est révélé dans les médias depuis son élection.
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Pas très loin de Céline, un jeune cadre de 32 ans reconnaît l’ampleur du travail mais il reste optimiste sur la capacité de la droite à se renouveler. Il est à l’image de tous ces jeunes LR, lucides et d’humeur combative, rassemblés samedi soir dans la chaleur d’une rentrée politique pleine de projets. « Le paradoxe est que nous sommes le parti qui compte le plus grand nombre de jeunes adhérents tout en étant en retard sur la communication. Mais ce retard peut se rattraper très vite. On peut y arriver !».