L’avenir du projet de loi immigration tient entre les mains d’une poignée de parlementaires. Réunis lundi soir lors d’une commission mixte paritaire (CMP), sept députés et sept sénateurs doivent décider à huis clos d’une version commune du texte, après le revers de la motion de rejet. «Est-ce qu’il serait bon pour la démocratie qu’on ne puisse pas dégager un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale ?», a mis en garde François Bayrou. Invité dimanche du «Grand Jury RTL-Le-Figaro-M6-Paris Première», le président du MoDem a appelé les quatorze négociateurs à examiner la loi «à la lumière de ce que veulent les Français». «Ils veulent qu’il y ait de la rigueur et réguler les entrées et les séjours sur notre sol (…), de l’efficacité de l’action publique quand il s’agit de contrôler et de réguler, ainsi qu’un pays dans lequel on peut s’intégrer par le travail», a-t-il énuméré. Avant de souhaiter qu’«un compromis intelligent soit trouvé, au service de l’intérêt général du pays».

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En cas d’échec des tractations en CMP, Emmanuel Macron a déjà fait savoir qu’il retirerait le projet de loi. «Il a raison (…) mais je ne souhaite pas l’échec», a soutenu l’allié du chef de l’État. «Les perdants seraient tous ceux qui pensent que c’est un sujet important, c’est-à-dire tout le monde», a-t-il insisté. D’autant que les députés ont déjà pris, selon lui, un «risque gravissime» en adoptant la semaine passée à cinq petites voix près la motion de rejet préalable. «Ils ont majoritairement choisi, dans une ambiance d’exultation extrêmement choquante (…) de refuser leur mission de voter la loi», a-t-il déploré, étrillant un «reniement de la démocratie représentative». Au point que ces derniers ont selon lui «manqué à leur devoir» en refusant de débattre.

Pour tenter de trouver une porte de sortie, les manœuvres se poursuivent en coulisses entre l’exécutif et la droite. Contrairement à ses troupes du MoDem, François Bayrou ne voit pas d’un si mauvais œil la copie adoptée mi-novembre au Sénat et résolument durcie par rapport à la mouture initiale du gouvernement. «Il y a des choses qui me conviennent et que je trouve acceptable dans leur texte, a-t-il développé. Est-ce qu’on peut enlever la part de sa nationalité française à quelqu’un qui commet un crime et qui a une double nationalité ? Moi, ça ne me gêne pas.» Il ne s’oppose pas non plus franchement au retour d’un «délit de séjour irrégulier», réclamé par les bancs de la droite et d’Horizons, le parti d’Édouard Philippe. «Ce qui est évoqué dans le texte, c’est une amende. Ça n’est pas pour moi un point de blocage», a-t-il concédé.

Il n’empêche, le haut-commissaire au Plan affiche plusieurs désaccords avec Les Républicains (LR) et leurs alliés. C’est le cas de la «remise en question» de l’aide médicale d’État (AME), supprimée lors du passage à la Chambre haute et qui serait, selon lui, «une idée extrêmement dangereuse». La réforme du dispositif ne sera finalement pas intégrée dans le texte, mais fera l’objet d’une nouvelle loi, a annoncé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. L’ancien ministre de l’Éducation a également écarté «l’idée que pour des étudiants étrangers (…) on leur imposerait de payer une caution pour s’assurer qu’ils repartiront». «C’est le rayonnement de la France qui est en cause», a-t-il balayé, en réponse à la mesure sénatoriale. Reste l’épineuse question des «métiers en tension», brandie comme une ligne rouge par les bancs de la droite. «Ça ne provoque pas d’appel d’air si nous sommes fermes et justes sur le fait que le travail est une voie d’intégration, a défendu François Bayrou. Ce sont ceux qui n’ont pas de travail qui commettent les exactions.»

Le sujet a pourtant divisé de longues semaines au sein du camp présidentiel, où certains étaient prêts à lâcher sur ce volet. Le président du MoDem ne «croi(t) pas» aux risques d’implosion de la majorité, malgré «beaucoup de spéculations» et les «états d’âme». Il ne croit pas davantage au scénario d’une dissolution en cas d’un nouveau désaveu pour l’exécutif avec le possible retrait de son projet de loi. «Je sais bien que, là encore, il y en a qui en rêvent», a-t-il soufflé, visant sans le nommer le patron du RN, Jordan Bardella. François Bayrou ne semble toutefois pas écarter la piste d’un remaniement. «Le changement de gouvernement pour prendre un nouveau départ, c’est une arme», a-t-il reconnu. Avant de rappeler, prudent : «Mais c’est une arme dans la main du président.»