Le format est pour le moins original. Ce mercredi après-midi, à 14 heures, l’Assemblée nationale va expérimenter pour la première fois une nouvelle forme de séance de questions au gouvernement (QAG). Le premier ministre, Gabriel Attal, devra répondre seul, pendant 45 minutes, aux questions des députés. Un face-à-face inédit proposé par la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, afin de redynamiser cette courte séance du mercredi, très souvent désertée par rapport à celle, traditionnelle, du mardi à 15 heures. Une formule qui rappelle celle du «prime minister’s questions», qui se déroule tous les mercredis à la Chambre des communes en Angleterre.

Expérimentée jusqu’à la fin du mois de mai – un total de cinq séances -, cette formule a été validée il y a une semaine par la conférence des présidents de l’Assemblée, malgré les divisions au sein du camp majoritaire – le MoDem et Horizons n’y étaient pas favorables – et l’opposition de la gauche. «On va avoir le droit au Attal show tous les mercredis», regrette par exemple le député LFI Andy Kerbrat, qui craint que l’exercice «tourne en séance de communication» du premier ministre. «Nous n’attendons pas de la périphrase et de la stratégie politique, nous voulons des réponses concrètes à nos questions par les ministres en charge des sujets. Gabriel Attal va être obligé de répondre à côté alors que les Français attendent du fond , tance-t-il. Avant d’ajouter, mi-taquin mi-sérieux: «Je m’inquiète pour la santé physique et mentale d’un homme qui va avoir réponse à tout tous les mercredis et qui va devenir le punching-ball généralisé des oppositions. C’est ridicule.»

«Cela va nous occuper pendant un mois et demi… Est-ce qu’il a bien répondu? Est-ce qu’il a été mis en difficulté?», raille de son côté le socialiste Arthur Delaporte. Et d’argumenter: «Sur le principe, nous n’y étions pas hostiles, d’autant que les réponses des ministres sont souvent nulles et insignifiantes. Mais j’ai peur qu’il y ait un trop grand déséquilibre de temps de parole entre les oppositions et le premier ministre, qui aura toujours le dernier mot.»

D’autres voient cet essai d’un œil plus positif. C’est le cas des Républicains, du Rassemblement national ou du groupe majoritaire, Renaissance, qui ont, eux, voté pour la mise en place de cette nouvelle formule. «Tout ce qui peut permettre de revitaliser les séances de questions au gouvernement est une bonne chose», estime par exemple le patron des députés macronistes, Sylvain Maillard. Un exercice «courageux», juge quant à lui le député Renaissance David Amiel, «car Gabriel Attal ne pourra pas se cacher derrière ses ministres et choisir les questions auxquelles il répond». «Ce sera également intéressant, car cela permettra d’avoir une séance sur la vision politique générale qui pourra se différencier de celle du mardi, qui sera concentrée sur des questions plus spécifiques», ajoute-t-il.

Un moyen, pensent certains, d’attirer dans l’Hémicycle plus de parlementaires. «Les QAG du mercredi étaient devenues des sous-séances. Poser une question directement au premier ministre pourrait faire remonter l’affluence», abonde le député RN Alexandre Sabatou. Son groupe, comme Les Républicains avaient d’ailleurs réclamé il y a quelques mois qu’Élisabeth Borne se prête à l’exercice. Mais la première ministre d’alors n’avait pas répondu favorablement. «Je n’avais pas de doute sur le fait que Mme Borne aurait eu des convictions à exprimer. Cela aurait été très intéressant», soutient Olivier Marleix, le président du groupe LR à l’Assemblée. Avant de «douter» que Gabriel Attal soit, lui, «en mesure de faire autre chose que de débiter des éléments de langage et d’être une sorte de porte-parole, parfois un peu insipide, du président Macron».«Il va être chahuté, ça va être une véritable épreuve pour lui. Aura-t-il des choses à raconter?», interroge-t-il dans un sourire.

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Cet exercice permettra-t-il de redynamiser cette séance trop souvent délaissée? Les oppositions en profiteront-elles pour surprendre ou piéger le premier ministre, qui n’aura, la plupart du temps aucune idée des questions qui lui seront posées? Certains en doutent. «Le problème de cette séance n’est pas son manque d’intérêt, mais son horaire. Le mercredi est un jour où nous commençons très tôt en commission et finissons très tard dans l’Hémicycle. La plupart du temps, à 14 heures, les députés n’ont pas fini de manger», avoue le député LR Pierre-Henri Dumont. Et ce député du camp macroniste de conclure: «On marche quand même sur des œufs, il faut que ça marche. Le premier ministre n’aura pas le droit à l’erreur, sinon, tout le monde va encore nous tomber dessus.»