«L’école primaire, c’est là où on apprend à compter, à écrire, à lire, aussi à se comporter… c’est là où on apprend des valeurs. Je suis totalement favorable à ce qu’on apprenne la Marseillaise au primaire, totalement. C’est même indispensable. C’est ce qui nous unit, c’est le fruit de notre histoire», a insisté Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse de plus de deux heures mardi 16 janvier, dont le but était officiellement d’insuffler un nouvel élan à son second mandat. Pour «réarmer» civiquement les Français et faire «que la France reste la France», le président a mis sur la table de nombreuses propositions dans le champ éducatif : la généralisation du port de l’uniforme, un meilleur apprentissage du théâtre et de l’histoire de l’art, une éducation civique renforcée et l’étude de l’hymne national des Français au primaire.
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Pourtant, l’hymne, devenu national en 1879, fait partie de l’enseignement à l’école depuis la création de l’École publique, comme le rappelait dans un entretien pour La Croix Jean-Louis Debré en 2005. La loi de Jules Ferry du 28 mars 1882 qui rend l’école obligatoire parle dès son premier article d’«instruction morale et civique». Jean-Pierre Chevènement le rappelle lui-même en initiant en 1985 une circulaire qui dispose que La Marseillaise doit être apprise par tous les jeunes enfants à l’école : il ne s’agit pas d’une nouveauté, mais d’une piqûre de rappel. Dans un reportage diffusé à la télévision au lendemain de l’annonce, des enfants interrogés au hasard peinent pourtant déjà à se souvenir des paroles : ils marmonnent ou fredonnent l’air du Chant de guerre pour l’armée du Rhin (titre initial de l’hymne, NDLR) composé en 1792 par Claude Joseph Rouget de Lisle pour les révolutionnaires partis affronter l’Autriche.
L’apprentissage de La Marseillaise à l’école revient au-devant des débats politiques en 2005, avec la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite «loi Fillon», dont l’article 2 dispose qu’«outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République». Il s’agit de s’assurer que les enfants apprennent les paroles du chant, et d’offrir «un enseignement d’éducation civique qui comporte obligatoirement l’apprentissage de l’hymne national dans son histoire», selon l’amendement apporté à l’article 26 du Code de l’éducation : les enfants sont introduits aux emblèmes de la République dès la classe de CP, doivent connaître l’hymne, le drapeau tricolore, la figure de Marianne et la devise nationale dès le CM2, puis en approfondissent le sens et la connaissance en classes de 3e au collège et de 1re au lycée.
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En 2011, lorsque des sifflements viennent perturber le chant de l’hymne pendant un match de football opposant la France à l’Algérie, le député UMP Jérôme Rivière se saisit à son tour de la question : de son amendement découle une circulaire de rentrée, qui précise que «l’étude de la Marseillaise est obligatoire à l’école primaire ; l’hymne national est appris et chanté par les enfants dans l’école et, chaque fois que possible, lors de manifestations commémoratives».
L’Éducation nationale met à la disposition des enseignements des ressources pour enseigner La Marseillaise à leurs élèves : un fascicule du Réseau Canopée, publié en 2016, précise que, «dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les symboles de la République française sont étudiés afin que les élèves sachent les reconnaître dès le cycle 2 et en comprendre le sens au cycle 3», avant de préciser que «quelques couplets de La Marseillaise peuvent être chantés dès le CE2, dernière année du cycle 2, en présentant le contexte historique. Au cycle 3, c’est en classe de CM1, en cohérence avec l’étude de la Révolution, que l’approche de l’hymne dans son entier prend tout son sens». Une analyse musicale et historique du chant est proposée.
En février 2019, le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer impose que l’hymne soit affiché dans toutes les salles de classe, aux côtés du drapeau français : une mesure difficile à mettre en place pour des raisons tant financières que logistiques, comme le révélait Le Figaro quelques mois plus tard.
En résumé, contrairement à ce que peut suggérer l’annonce d’Emmanuel Macron, la question de l’apprentissage de l’hymne à l’école ne date donc pas d’hier : depuis la IIIe République, les hommes politiques y reviennent régulièrement, pour un impact mitigé : à l’occasion de la compétition de l’Euro en 2016, un sondage Ifop révélait que seuls trois Français sur dix la connaissaient en entier… Reste à savoir si la déclaration du président annonce une nouvelle refonte des textes existants, ou suggère simplement de veiller à ce qu’ils soient respectés.