Au menu, les magistrats promettent solennellement «des Mules de Moscou à Londres en passant par les Caraïbes, de la bière artisanale Ox Lager et IPA, du vin, du thé glacé et de la citronnade maison, un cornet de crudités locales et bios avec une anchoïade ou un aïoli…» Mais pas de poulet grillé ? Pourtant, à en juger par le programme du Syndicat de la Magistrature, le week-end risque d’être épicé pour les camarades de la police.

La deuxième organisation syndicale des magistrats, qui représente un tiers environ de la profession, a en effet annoncé qu’elle tiendrait pour la première fois de son histoire un stand à la Fête de l’Humanité, qui a lieu cette année du 15 au 17 septembre dans l’Essonne. «Ce stand est organisé en commun avec le Syndicat des Avocats de France, qui participe à la Fête de l’Humanité depuis plusieurs années» tient à préciser Sarah Pibarot, juge au tribunal judiciaire de Paris et Secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature.

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«C’est une opportunité pour nous de participer à un week-end d’échanges et de débats, pour rencontrer d’autres organisations et syndicats et discuter des thèmes qui nous sont chers, la justice et les libertés publiques» ajoute-t-elle.

En sus du menu de l’apéro, le programme du stand promet plusieurs tables rondes consacrées en effet à des débats liés à la justice… ou surtout, au rôle de la police. La première d’entre elles portera en effet sur «les contrôles d’identité et les violences policières», samedi à 11h. Elle sera suivie par la participation du syndicat à un débat au stand de l’organisation Solidaires, sur cette question : «comment le mouvement social peut faire face aux violences policières, à une répression accrue et aux dissolutions ?». Le lendemain matin, cette fois à l’agora de la Fête de l’Huma, rebelote avec ce débat : «la question sécuritaire ou l’ordre qui déborde».

«En réalité, précise Sarah Pibarot, sur notre stand nous n’organisons que trois événements à proprement parler, sur les violences policières mais aussi sur les comparutions immédiates et sur la justice des mineurs. Les autres événements mentionnés sur notre programme ne sont pas sur notre stand, nous y sommes seulement associés !» Personne n’a jugé bon d’associer le Syndicat de la Magistrature à une table ronde sur la récidive ou le sentiment d’injustice exprimé par les familles de victimes de faits divers…

Mais ces «débats» seront peut-être l’occasion de faire la part belle au contradictoire ? «Disons plutôt que nous allons faire dialoguer les instances syndicales de plusieurs professions : par exemple, sur la justice des mineurs, il y aura un représentant de la CGT et un autre du SNES-FSU, le syndicat des enseignants» détaille Sarah Pibarot. Deux organisations syndicales qui ne sont pas vraiment connues pour des prises de position très éloignées de celles du Syndicat de la Magistrature. Ce dernier, du reste, ouvrira sa participation à la Fête de l’Huma «en présence de députés et représentant·es de la NUPES». C’est sûr que ces derniers doivent être plus nombreux que leurs collègues du groupe LR à parcourir les stands du festival.

Cette participation a suscité de vives réactions, à commencer par celle de Pierre-Marie Sève, le directeur de l’Institut pour la Justice, une association qui milite pour plus de sévérité dans les sanctions pénales. «Le Syndicat de la Magistrature récidive encore une fois et politise un peu plus encore la justice, faisant voler en éclats la neutralité de la profession» fustige-t-il, estimant que «depuis l’affaire du Mur des Cons, ce syndicat devrait se tenir loin de tout événement politique».

En 2013, une vidéo diffusée par Atlantico montrait un panneau d’affichage où, sous un titre injurieux, le Syndicat de la Magistrature avait épinglé dans ses locaux les photos de plusieurs élus, intellectuels ou journalistes de droite, ainsi que plusieurs parents de victimes.

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Interrogé par Sonia Mabrouk mardi matin sur Europe 1 et CNews au sujet de la présence du Syndicat de la Magistrature à la Fête de l’Huma pour débattre des violences policières, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a sobrement estimé que l’initiative n’était «pas top», visiblement pressé d’éluder la question.

Le syndicat Unité-SGP-Police-FO a de son côté jugé sur son site Internet que «le Syndicat de la Magistrature délaisse les mauvaises conditions de travail des magistrats pour se concentrer sur son activité favorite : taper sur les policiers», dénonçant également « la politisation de la justice par le Syndicat de la Magistrature».

Une «politisation» qu’assume Sarah Pibarot, selon qui «la justice est un sujet politique», bien que cette dernière récuse toute «volonté de faire pencher la justice à gauche». «Nous avons proposé à tous les groupes parlementaires, à l’exception du RN, de nous recevoir au moment de l’examen des lois sur la justice», ajoute la secrétaire nationale du Syndicat de la Magistrature.

Après la présence du rappeur Médine, vivement critiquée ces derniers jours, la Fête de l’Huma édition 2023, n’a décidément pas fini de susciter la controverse.