Comment séduire l’électorat de droite ? C’est la question qui taraude Jordan Bardella depuis l’élection présidentielle de 2022. Le président du Rassemblement national (RN), qui a décidé d’être la tête de liste de son parti pour les élections européennes de juin prochain, s’est mis en tête de réussir ce pari pour mieux asphyxier définitivement Les Républicains (LR) d’Éric Ciotti et aussi Reconquête! d’Éric Zemmour, mais aussi pour donner au RN les meilleures chances de victoire en 2027. Il pense cette fois avoir trouvé la bonne idée.

Le jeune poulain de Marine Le Pen a décidé d’organiser le 26 mars prochain, à Paris, des « états généraux de l’immigration ». « Nous voulons mettre l’immigration au centre de la campagne », décrypte un proche du président RN. L’idée est aussi très simple : récupérer à son compte la célèbre convention de la droite, organisée fin mars, début avril 1990 à Villepinte (Seine-Saint-Denis), deux ans après la lourde défaite face à François Mitterrand à la présidentielle de 1988.

Pendant deux jours, l’ensemble des partis de droite, du RPR au CNI en passant par l’UDF, avaient décidé de se réunir pour évoquer ensemble un éventuel programme commun sur l’immigration. Sur la photo de famille : Alain Madelin, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Roselyne Bachelot, François Bayrou ou encore Nicolas Sarkozy. Et à la fin, un document dont les propositions ressemblent fortement à celles du Front national de Jean-Marie Le Pen : «Fermeture des frontières», «suspension de l’immigration», «réserver certaines prestations sociales aux nationaux», «incompatibilité entre l’islam et nos lois».

Depuis, les vidéos de cette fameuse convention tournent en bouclent dans les réseaux du RN. Thierry Mariani, ex-ministre de Nicolas Sarkozy, prise de guerre de Marine Le Pen aux européennes de 2019, s’en était servi pour justifier son ralliement à la cause du RN. Ce qu’oublient souvent les marinistes ? Que cette convention de toutes les droites n’aboutira finalement qu’à peu de choses.

Jordan Bardella voit lui plus grand. Pour donner du crédit à son initiative, et comme un petit clin d’œil à l’histoire, il organise ses propres « états généraux » en partenariat avec le… RPR. Rien à voir avec le parti gaulliste, le nouveau RPR est le micro-parti du député RN des Bouches-du-Rhône, Franck Allisio. Une utilisation rendue possible grâce au rachat par le RN, en mars 2022 de l’ancien nom du parti de droite. Franck Allisio a un objectif assumé derrière cette opération : permettre à des élus LR en déshérence de se rapprocher du RN de Marine Le Pen et de Jordan Bardella sans y adhérer.

« Notre objectif est de faire comprendre aux Français, en particulier les électeurs de droite, que sur le sujet de l’immigration, nous sommes les plus sérieux. Ce sera un moyen pour nous d’expliquer que Les Républicains et François-Xavier Bellamy, leur tête de liste, sont les soutiens d’Ursula von der Leyen et de sa politique de submersion migratoire à l’échelle européenne », explique au Figaro Alexandre Loubet, directeur de campagne de Jordan Bardella. Au centre de ces futurs « états généraux », une décision du Conseil d’État, rendue le 2 février dernier, qui, selon les cadres RN, « limite le dispositif des refus d’entrée aux frontières intérieures et désarme l’État face aux désordres migratoires ».

Jordan Bardella entend mettre sur scène ce 26 mars sa dernière prise de guerre : l’ancien patron de Frontex, Fabrice Leggeri. L’entourage du président du RN promet la présence d’autres personnalités de la « société civile ».