À peine née, déjà enterrée. La proposition d’un «préférendum» a été balayée mercredi par le chef de l’État devant les responsables de partis, réunis jusque tard dans la nuit à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Lors de son «initiative politique d’ampleur», Emmanuel Macron s’est même dit «surpris» de l’intervention du porte-parole du gouvernement Olivier Véran, qui avait sorti lundi l’idée de son chapeau, sur le plateau de France 2. Le ministre délégué en charge du Renouveau démocratique avait en effet défendu un «concept qui permettrait de tester plusieurs sujets à la fois au cours d’un même vote», repris par la suite par son collègue de la Transition écologique, Christophe Béchu.
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Visiblement pas convaincu, le président a plutôt évoqué un «travail» sur le champ de l’article 11 de la Constitution qui régit les référendums – limité aux questions d’organisations des pouvoirs publics et aux réformes relatives aux questions économiques, sociales et environnementales. Une demande déjà formulée par Les Républicains et le Rassemblement national, qui réclament l’organisation d’un référendum sur l’immigration jusque-là empêché par la disposition. Interrogé sur le sujet en fin de soirée, le chef de l’État ne s’est d’ailleurs montré ni hostile, ni enclin à la proposition de la droite et des nationalistes. Il a en revanche écarté celle de la Nupes d’une consultation nationale sur la réforme des retraites. La démarche du président pourrait en tout cas s’inscrire dans le cadre d’«une grande conférence» sur les institutions négociée mercredi soir, comme l’a confirmé le patron du MoDem, François Bayrou, présent à Saint-Denis.
Dans le huis clos du pensionnat de la Légion d’honneur, où se déroulait la réunion, Emmanuel Macron n’a pas précisé les domaines auxquels il souhaiterait élargir le champ du référendum. Ce dernier pourrait toutefois choisir de l’étendre aux «questions sociétales», seul maillon manquant pour la maître de conférences en droit public, Anne-Charlène Bezzina. «Il s’agirait de toutes les évolutions liées aux mœurs ou à la vie de famille qui étaient jusqu’à présent jugées trop clivantes pour être soumises à l’onction populaire», détaille-t-elle. Ce qui engloberait également les questions liées à l’immigration, relevant selon elle de «problématiques de société».
Dans son entretien au Point, début août, le président de la République avait déjà avancé l’hypothèse de plusieurs «projets de référendums» qui pourraient voir le jour au terme de ces «Rencontres de Saint-Denis». Plusieurs ministres pousseraient notamment pour l’organisation de consultations nationales sur la fin de vie ou même la légalisation du cannabis. Manière de capter l’attention des Français tout en s’assurant un large taux de participation. «Emmanuel Macron est en train de chercher des voies de contournement à sa majorité relative. Ce qui passe par exemple par l’organisation d’un référendum sur quelque chose a priori consensuel», analyse le constitutionnaliste Bertrand Mathieu.
Reste que s’il souhaite modifier l’article 11, Emmanuel Macron devra entamer une «procédure relativement longue et complexe», poursuit le juriste. Comme toute révision constitutionnelle, il pourrait dans un premier cas utiliser la procédure classique de l’article 89. La proposition serait alors soumise à un vote à l’Assemblée nationale puis au Sénat à la majorité simple, suivie d’un vote du Congrès – c’est-à-dire les deux chambres réunies à Versailles – à la majorité des 3/5. Dans un second cas, le chef de l’État pourrait la mettre au vote des deux Assemblées à la majorité simple, avant de convoquer cette fois un référendum.
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«Dans les deux cas, il faudra qu’Emmanuel Macron trouve un accord politique dans un moment où personne ne se fait de cadeau», rappelle Bertrand Mathieu. Lors de la bataille de l’école privée en 1984, François Mitterrand avait ainsi tenté la voie d’«un référendum sur le référendum» avant de se heurter au refus préalable du Sénat. «On verrait mal aujourd’hui des sénateurs ou des députés dire qu’ils veulent garder le monopole de la démocratie», nuance la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina.
Une autre option, utilisée par De Gaulle en 1962 et 1969, serait de recourir directement au référendum sans passer par le Parlement, comme le prévoit justement l’article 11. «Mais le Conseil constitutionnel a laissé entendre qu’il pourrait juger le recours à cette procédure inconstitutionnelle, puisque l’article 89 est justement dédié aux révisions constitutionnelles», explique Bertrand Mathieu.