Sur la loi immigration, Les Républicains (LR) n’ont pas dit leur dernier mot. Trois mois après l’adoption par le Parlement du projet de loi et quarante jours après sa censure partielle par le Conseil constitutionnel, la droite poursuit le combat politique. Selon une information de la newsletter Playbook Paris, confirmée par Le Figaro, Les Républicains ont rassemblé au moins 185 signatures de parlementaires pour engager une procédure de référendum d’initiative partagée (RIP).

Mi-février, Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix présentaient à leurs troupes un document de 13 pages intitulé «Proposition de loi réformant l’accès aux prestations sociales des étrangers». Furieux de la censure du tiers du projet de loi immigration qu’ils avaient largement contribué à «durcir», les chefs à plume de la droite avaient exprimé leur volonté de soumettre plusieurs mesures retoquées à un référendum.

Le texte comprend cinq articles portant sur la conditionnalité des prestations sociales non contributives, la transformation de l’aide médicale d’État (AME) en aide médicale d’urgence (AMU), les réductions tarifaires sur les titres de transport, l’inclusion dans le décompte des logements sociaux d’une commune des centres d’hébergement provisoire et ceux des demandeurs d’asile et l’impossibilité du maintien pour une personne déboutée du droit d’asile dans un hébergement accordé au titre du dispositif national d’accueil. En plus des signatures d’élus LR, deux voix de députés non-inscrits et une du groupe Liot sont venues grossir les rangs des signataires, d’après un cadre du parti de droite.

La collecte des signatures n’est que la première étape d’un long et difficile chemin pour espérer aboutir à une loi. Désormais, le Conseil constitutionnel doit valider la proposition de loi et le processus du référendum d’initiative partagée. Les LR prévoient une «cérémonie de transmission» de la proposition de loi au Conseil Constitutionnel «en fin de semaine ou en début de semaine prochaine», selon le même cadre.

Les Sages de la Rue de Montpensier auront ensuite un mois pour statuer sur la validité de la proposition, notamment si elle respecte les conditions posées par l’article 11 de la Constitution, qui limite le champ du référendum aux questions économiques et sociales. «Il est difficile de soutenir que les questions d’immigration ne touchent pas l’organisation des pouvoirs publics ou la politique économique et sociale. Et le Conseil constitutionnel a admis qu’une question incidente , par exemple fiscale pouvait donner lieu à un RIP si l’objet principal entre dans le champ de l’article 11», commente Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’Université de Versailles Saint-Quentin.

Une interprétation de l’article 11 à l’origine d’une divergence doctrinale entre constitutionnalistes. Pour Anne-Charlène Bezzina, maître de conférences en droit public, «il y a une question d’interprétation qui se posera pour savoir si cette proposition est une réforme qui porte sur une question uniquement économique ou sociale. À mon sens, il ne fait aucun doute que ce n’est pas l’économie ou le social mais l’immigration qui est l’objet principal. C’est bien cet objet principal de la loi que le Conseil constitutionnel vérifie comme faisant partie de la liste des objets autorisés par l’article 11 de la Constitution». Pour elle, le Conseil constitutionnel pourrait donc censurer, cette fois-ci, a priori les mesures.

Dans l’hypothèse où l’institution présidée par Laurent Fabius validait la proposition, le plus dur commencerait pour le parti d’Éric Ciotti. Les LR disposeraient de neuf mois pour réunir les signatures d’un dixième du corps électoral, soit près de 5 millions de Français. Alors qu’un tel tour de force n’a jamais eu lieu depuis la création du RIP en 2008, les LR ne seraient même pas assurés de voir leur texte soumis au vote des Français. L’Assemblée et le Sénat disposeraient ensuite de six mois pour examiner le texte. Dans le cas contraire, si le Parlement ne statuait pas dans les six mois, alors le président serait obligé de soumettre le texte au référendum.