La bataille contre la loi immigration passe du champ parlementaire au terrain réglementaire. Définitivement adopté mardi soir par le Sénat et l’Assemblée, malgré la très vive opposition de la moitié gauche de l’hémicycle, le texte né de l’accord entre la droite et l’exécutif doit encore franchir quelques haies avant d’être appliqué. À commencer par le filtre du Conseil constitutionnel, où certaines mesures pourraient être retoquées, avant que le gouvernement ne précise par des décrets d’application les contours des différentes dispositions. Sans attendre ces échéances, l’ensemble des trente-deux départements présidés par la gauche entendent d’ores et déjà refuser d’appliquer l’une des mesures les plus clivantes du texte : le conditionnement du versement des aides sociales non contributives à cinq ans de résidence sur le territoire national.
Si le débat public s’est cristallisé autour des aides personnalisées au logement (APL) – qui sont financées par l’État -, les départements sont quant à eux chargés du versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), destinée aux personnes âgées. Mercredi matin, le président (divers gauche, ex-PS) du Conseil départemental du Lot a ainsi appelé ses homologues à ne pas «appliquer le principe de la préférence nationale pour nos aînés». Une démarche que l’ensemble de ses collègues imiteront, selon nos informations.
La fronde est emmenée par le président PS du département de la Gironde, Jean-Luc Gleyze, qui dirige le groupe de gauche à l’Assemblée des départements de France (ADF). «Nous voilà dans une situation où nous ne devons plus seulement garantir les droits universels, mais d’abord nous battre pour les protéger des dangereuses logiques électoralistes, financières et xénophobes. Plus que jamais, nous touchons du doigt une France qui risque de voir revenir, blanchies, les idées de Vichy», s’alarme le patron du département du sud-ouest. De son côté, l’ADF ne souhaite pas de faire de commentaire pour l’instant.
Pour éviter de se soumettre aux futures dispositions applicables du texte, les collectivités devront créer une nouvelle allocation d’autonomie – sur le modèle de celle qui existe déjà -, à destination des bénéficiaires exclus par la loi. «Cela représente un coût pour le département mais nous l’assumons au vu des dispositions honteuses de ce texte», indique-t-on dans l’entourage du président du Lot. Un tel dispositif doit toutefois être entériné par le conseil départemental, ce qui devrait être le cas du Lot lors d’une réunion programmée début février.
Quant au président PS de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, qui a vertement critiqué le projet de loi de l’exécutif tout au long de son examen, il a déclaré vouloir faire de son département «un bouclier républicain face à la préférence nationale». «Tous les habitants de Seine-Saint-Denis méritent la solidarité et l’humanité. D’où qu’ils viennent», a-t-il défendu sur compte X (ex-Twitter), avant d’annoncer que la collectivité «(continuera) de verser l’APA aux étrangers en situation régulière».
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La maire de Paris Anne Hidalgo avait appelé dès lundi l’ensemble des grandes villes à «résister» face à une politique jugée «populiste». Elle-même déclarait vouloir faire de la capitale une «terre de résistance démocratique et humaniste», ouvrant la porte à un refus d’appliquer certaines dispositions de la loi. «Nous réfléchissons aux façons faire pour limiter l’impact de cette loi honteuse», souffle-t-on dans l’entourage de la maire de Paris. Des mots qui résonnent avec ceux employés mercredi après-midi par Martine Aubry qui a déclaré sur X (ex-Twitter) que sa ville «est et restera une terre d’hospitalité et de solidarité». «Nous continuerons à accueillir et accompagner chacun sur notre territoire, quelle que soit son origine», a abondé la maire PS de Lille.