Un thème principal et quasiment unique: la guerre. Emmanuel Macron est l’invité ce jeudi des journaux de 20 heures de TF1 et de France 2. Deux mois après sa grande conférence de presse, il s’offre de nouveau une prise de parole à une heure de grande écoute. Mais en se concentrant cette fois sur la situation en Ukraine. Interrogé par Gilles Bouleau et Anne-Sophie Lapix, en direct depuis l’Élysée, le chef de l’État veut faire de cet entretien, prévu pour durer environ une demi-heure, une séance d’explication sur le conflit, qui est aussi l’une des thématiques phares poussée par son camp en vue des élections européennes de juin.
À l’Élysée, on décrit cette émission comme l’aboutissement logique d’une série de rendez-vous consacrés à l’Ukraine. D’abord une conférence de soutien des pays alliés organisée à Paris, fin février ; puis les consultations des anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande ainsi que des chefs de parti la semaine dernière ; enfin les débats et votes sur l’accord de sécurité franco-ukrainien, qui se sont tenus à l’Assemblée nationale et au Sénat mardi et mercredi. «Le président s’adresse directement aux Français pour caractériser le moment que nous vivons, qui est un point de bascule et emporte des choix stratégiques assez forts», explique son entourage, qui esquisse «un moment de pédagogie, d’unité et de vérité».
«Il veut réparer le coup des troupes au sol», glisse beaucoup moins solennellement un cadre de la macronie. Une référence aux propos du chef de l’État qui, le 26 février, en réponse à la question d’un journaliste sur l’éventuel envoi de troupes occidentales en Ukraine, avait estimé que «rien ne doit être exclu», au nom de «l’ambiguïté stratégique» qu’il revendique face à la Russie. Des propos qui, en France, lui ont attiré la réprobation de l’ensemble des oppositions et, à l’international, ont été contredits par les principaux pays alliés. Ce qui n’a pas empêché Emmanuel Macron de persister et signer par la suite. La semaine dernière, il a appelé les alliés de Kiev à «ne pas être lâches» face à une Russie «inarrêtable», s’attirant les foudres du ministre de la Défense allemand. Puis, recevant les chefs de parti à l’Élysée, il leur a déclaré: «On ne peut pas se permettre de se fixer des limites face à un ennemi qui ne s’en fixe aucune.»
Un credo repris par Gabriel Attal dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, mardi. «Nous n’excluons, par principe, aucune option», a lancé le premier ministre lors du débat sur l’Ukraine, tout en réfutant une «logique d’escalade». Pas de quoi faire varier les opposants. Marine Le Pen a fustigé les «annonces guerrières d’Emmanuel Macron», Fabien Roussel (Parti communiste) a dénoncé des «déclarations va-t’en guerre», tandis qu’Arnaud Le Gall (orateur de La France insoumise) a épinglé des mots «irresponsables».
À lire aussiUkraine: une visite compliquée à caler pour Macron sur fond de remous avec ses alliés
Jeudi soir, Emmanuel Macron tentera de prendre à témoin une opinion pas prête non plus à entrer en guerre de manière frontale avec la Russie. 68 % des Français désapprouvent sa prise de position sur le potentiel envoi de troupes au sol, selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting publié le 29 février par Le Figaro. Le président compte donc s’expliquer précisément sur ce point. «Il déclinera sa pensée mais en rassurant, il ne va pas faire le va-t-en-guerre», croit savoir l’un de ses interlocuteurs. «On ne parle pas de combattants avec des mitraillettes qu’on enverrait mourir sur la ligne de front», démine un proche du chef de l’État en pointe sur le dossier, qui évoque plutôt la surveillance des frontières ou le déploiement de conseillers politiques.
Il n’empêche: la dramatisation est là, alors que l’Élysée s’inquiète depuis plusieurs semaines que la guerre en Ukraine se soit beaucoup éloignée des radars de l’opinion publique depuis le début de l’invasion russe, il y a deux ans. Or, «les signaux faibles montrent que tout cela peut mal tourner », s’alarme un ministre. Dans le camp présidentiel, on fourbit donc les arguments sur les conséquences directes d’un «effondrement de l’Ukraine» pour le quotidien des Français: une nouvelle crise du pouvoir d’achat lié au contrôle accru de la production de blé par la Russie, l’afflux de millions de réfugiés ukrainiens…
Dans ce contexte, les propos du chef de l’État sur les troupes au sol ont pu servir de détonateur. «Il fallait créer un électrochoc dans la population», approuve un député Renaissance, qui raconte que dans sa circonscription, des mères de famille sont venues lui demander si leurs enfants allaient être mobilisés…
Alors qu’il ne s’est rendu en Ukraine qu’une seule fois depuis le début de l’invasion russe, Emmanuel Macron prépare une nouvelle visite, mais qui ne cesse d’être reportée. Il devait initialement s’y rendre en février, puis «avant la mi-mars». Ce sera «dans les prochaines semaines» , dit-on désormais dans son entourage. «Il n’y a rien qui bloque, mais le but est d’être le plus utile possible», justifie-t-on. Le président aimerait arriver à Kiev avec des annonces marquant une montée en puissance du soutien occidental. Ce qui suppose, au préalable, de convaincre ses alliés, mais aussi ses compatriotes, que l’heure est plus grave que jamais.