L’absence d’étape à Mayotte lui avait été reprochée, lorsqu’Élisabeth Borne s’était rendue à La Réunion en mai dernier. Sept mois après le déclenchement de «l’opération Wuambushu» pour tenter de reprendre la main sur l’insécurité qui paralyse le 101ème département français, la première ministre doit atterrir vendredi matin à Mayotte. Son deuxième déplacement ultramarin depuis sa nomination à Matignon. C’est la première fois depuis huit ans, et la visite de Manuel Valls en 2015, qu’un chef du gouvernement se rend à Mamoudzou.

Si l’insécurité occupera une bonne partie du programme des 14 heures qu’Élisabeth Borne va passer sur place, c’est à la très grave crise de l’eau que seront consacrés ses premiers mots lors de son déplacement éclair. Elle visitera une usine de dessalement et un point de distribution d’eau potable à la population alors que les sévères restrictions d’eau courantes paralysent Mayotte depuis plusieurs mois.

«Face à une sécheresse inédite, qui ajoute des problèmes à ceux déjà antérieurs, je viens porter un message de solidarité aux habitants de Mayotte», explique Élisabeth Borne au Figaro, avant de décoller jeudi soir vers l’Océan d’Indien.

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La chef du gouvernement sera accompagnée du ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, avec lequel elle se rendra au centre hospitalier de Mamoudzou. L’établissement, comme les autres services publics locaux, est débordé par la conjonction d’un manque criant de personnel et une pression migratoire considérable.

Le ministre de l’Intérieur, qui a dû renoncer à un déplacement à Mayotte début novembre pour suivre l’évolution de la tempête Ciaran dans l’Hexagone, ne sera pas présent. Officiellement, Gérald Darmanin doit rester à Paris pour préparer l’examen épineux de son projet de loi immigration, lundi à l’Assemblée nationale. Il sera représenté par son ministre délégué chargé de l’Outre-mer, Philippe Vigier.

«Avec tout mon gouvernement, nous sommes très mobilisés depuis plusieurs mois pour apporter une solution à la crise de l’eau», assure Élisabeth Borne qui insiste sur la réponse interministérielle aux crises qui secouent l’archipel mahorais, sans s’appesantir outre mesure sur l’activisme dans le département de son rival de Beauvau.

À plus de 8000 kilomètres de Paris, Élisabeth Borne sera accueillie avec des attentes très fortes. Sa visite «est un signal de solidarité nationale important alors que notre île est dans une détresse inédite avec une multicrise aiguë», observe la députée Estelle Youssouffa (Liot). Laquelle résume les dossiers enkystés : «Mayotte n’a plus d’eau potable au robinet après des mois de sécheresse et des années de sous-financement, les établissements scolaires ferment à cause de la crise de l’eau ; les violences ont pris partout une ampleur ahurissante avec des raids sur les villages incendiés et des attaques sur les véhicules, des émeutes quotidiennes depuis 3 semaines ; les commerces, les entreprises ne travaillent plus normalement depuis des mois ; notre seul hôpital est en “plan blanc” niveau 2 depuis juin, les soignants, les investisseurs et les fonctionnaires fuient…»

Élisabeth Borne, qui se rendra dans un bidonville «à la rencontre des habitants», met l’accent sur l’opération Wuambushu. Destinée à détruire des logements informels et à juguler l’immigration clandestine, l’initiative pilotée par le ministre de l’Intérieur avait été critiquée au printemps par de nombreuses organisations de gauche, qui l’avaient jugée «brutale» et «anti-pauvres».

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«Ce territoire fait face à des défis considérables. Migratoires et de sécurité, bien évidemment. L’opération Wuambushu a permis d’arrêter près de 90% des chefs de bande et des délinquants identifiés», rappelle la première ministre. Qui admet toutefois «un regain de violence». «On a envoyé des forces mobiles supplémentaires à Mayotte. Ça sera un des thèmes de ma visite», prévient Élisabeth Borne qui découvrira le «dispositif de sécurisation des transports scolaires» et rencontrera «les effectifs de police et de gendarmerie engagés contre l’immigration clandestine».

Dans ce département qui a plébiscité Marine Le Pen au second tour de la dernière présidentielle (59,1% des voix), Élisabeth Borne sera attendue au tournant. «Mayotte est en feu, les Mahorais sont sous le joug de la terreur, mais le gouvernement privilégie le traitement social de l’immigration incontrôlée !», a prévenu le député LR Mansour Kamardine auprès du Journal de Mayotte . «Or traiter les conséquences sans traiter les causes ne fait qu’amplifier le problème», a-t-il déploré avant que la première ministre annonce lors d’un discours au Conseil départemental une enveloppe supplémentaire de 100 millions d’euros pour faire face à l’explosion des dépenses sociales.