Une «page un peu oubliée de l’histoire». Ce mercredi 22 novembre, une proposition de loi visant à reconnaître les politiques de criminalisation de l’homosexualité en France entre 1942 et 1982 sera débattue au Sénat. Portée par le sénateur socialiste Hussein Bourgi, et cosignée par plus d’une vingtaine de sénateurs PS, cette proposition comporte d’abord un volet mémoriel. L’objectif est de «reconnaître les torts que l’application de ces lois répressives a pu occasionner aux homosexuels» dans la seconde moitié du XXe siècle, explique au Figaro le sénateur, membre du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER).

Cette proposition de loi comporte également un volet visant à porter «réparations aux personnes ayant été condamnées pour homosexualité». Ainsi, en plus du remboursement de l’amende dont les personnes condamnées ont dû s’acquitter à l’époque, le texte évoque aussi «une allocation forfaitaire fixe de 10.000 euros» et «une allocation forfaitaire variable en fonction du nombre de jours de privation de liberté, fixée à 150 euros par jour», peut-on lire dans la proposition de loi.

Mais de quelles lois parle-t-on ? C’est en 1942, sous le régime de Vichy, que l’homosexualité est à nouveau criminalisée dans l’Hexagone – en 1791, le code napoléonien avait marqué une première étape dans la dépénalisation de l’homosexualité -. Concrètement, la loi du 6 août 1942, en modifiant l’alinéa 1 de l’article 334 du Code pénal, instaurait «une distinction discriminatoire dans l’âge de consentement entre rapports homosexuels et hétérosexuels : 21 ans pour les rapports homosexuels, et 13 ans pour les rapports hétérosexuels (puis 15 ans à partir de 1945)», rapporte l’exposé des motifs de la proposition de loi. Ainsi, le régime de Vichy pénalisait officiellement les relations homosexuelles pour les moins de 21 ans.

Et si bon nombre de lois pétainistes ont été abrogées à la Libération, ça n’a pas été le cas de celle-ci. Sous le gouvernement provisoire de la République française, l’alinéa 1 de l’article 334 a simplement été transféré vers l’alinéa 3 de l’article 331 du Code pénal. Ce dernier punissait ainsi «d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 60 francs à 15.000 francs quiconque aura commis un acte impudique ou contre-nature avec un individu de son sexe mineur de vingt et un ans».

En 1960, «un amendement du député Paul Mirguet considérant l’homosexualité comme un fléau social est venu accentuer cette pénalisation», ajoute Hussein Bourgi. Concrètement, la disposition doublait la peine minimum pour outrage public à la pudeur, lorsqu’il s’agissait de rapports homosexuels, créant de fait un «caractère aggravant d’homosexualité», précise enfin l’exposé des motifs.

Pour le sénateur, il était donc important de légiférer sur le sujet. Il fallait reconnaître les «erreurs du passé» afin d’apaiser «les blessures de personnes qui sont au crépuscule de la vie», explique-t-il. «Il paraît aujourd’hui irréel de se dire qu’en France cela a existé et qu’entre 50.000 et 70.000 personnes ont été inquiétées en application de ces lois», insiste l’élu de la chambre haute. D’autant que les personnes inquiétées ne recevaient pas seulement «des peines d’amende ou d’emprisonnement», mais subissaient également «l’opprobre social». Pour certains, cela s’accompagnait même d’une révocation de la fonction publique ou d’un licenciement.

C’est en 2002, lors d’un colloque à Montpellier organisé pour le 20e anniversaire de la loi de 1982 dépénalisant définitivement l’homosexualité en France, qu’Hussein Bourgi est interpellé par le sujet. Vingt ans plus tard, au 40e anniversaire de la loi de 1982, il décide finalement de suivre la trace de pays comme «l’Espagne, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou le Canada» qui avaient déjà décidé de revenir sur ces périodes passées.

«Étant sénateur depuis 3 ans, j’ai déposé cette proposition de loi, considérant qu’il fallait le faire maintenant alors que les derniers témoins et acteurs avançaient en âge et disparaissaient les uns après les autres», affirme le sénateur. Avant de trancher : «Le faire quand ils seraient tous morts, ne servirait à rien. À part se donner bonne conscience». Et pour Hussein Bourgi, cette loi a de bonne chance de passer : «Je pense que cette proposition de loi est consensuelle. Elle ne soulève aucune hostilité majeure», souligne-t-il. Selon Public Sénat , en cas d’adoption de la loi, une commission indépendante sera ensuite créée pour «établir la véracité des faits» et procéder aux réparations, le cas échéant.