Trois semaines jour pour jour après sa nomination à Matignon, Gabriel Attal a exposé ce mardi «sa feuille de route et les priorités du gouvernement » à la tribune de l’Assemblée nationale. Un exercice périlleux alors que la grogne des agriculteurs ne faiblit pas, et que des milliers de tracteurs bloquent toujours les routes de la capitale. Devant les députés, le chef du gouvernement a, pendant presque une heure et demie, tenu à imposer sa marque qui tranche avec celle d’Élisabeth Borne. Très applaudi par la majorité, l’hôte de Matignon a été régulièrement coupé par le brouhaha des oppositions.

À la fin de son discours, Gabriel Attal ne s’est pas, comme il l’avait prévenu, soumis à un vote de confiance. Qui risquait d’être rejeté. Si une motion de censure a été déposée par la gauche, quelques minutes avant le début de l’intervention, la droite entretient encore le mystère sur ses intentions.

Alors que ses premiers jours à Matignon sont marqués par la colère inattendue des agriculteurs, le premier ministre a affiché sa détermination dès l’introduction de son discours : «Nous sommes prêts à affronter pour avancer.» «Nous ne sommes pas n’importe quel pays : la France ne sera jamais une nation qui subit. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain», a-t-il encore martelé. Le tout, en se plaçant, après avoir rappelé son année de naissance dans une longue continuité historique. Une façon de balayer d’un revers de main les critiques sur sa jeunesse et son inexpérience.

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Depuis la tribune de l’Assemblée nationale, Gabriel Attal a identifié ce qui devait être «l’identité» de son gouvernement : «Reconquérir notre souveraineté française et européenne». «Oui, nous voulons reprendre notre destin en main», a-t-il assuré, appelant à «ouvrir une nouvelle page de cette conquête». Le chef du gouvernement s’est par ailleurs félicité du «retour de l’industrie» dans l’Hexagone. «Il y a plus d’usines qui s’ouvrent que d’usines qui ferment en France. (…) Ça n’est pas arrivé depuis 30 ans», a-t-il loué. «Pour la cinquième année consécutive, notre pays est le plus attractif d’Europe pour les investissements étrangers.»

Très attendu sur la question agricole, le chef du gouvernement a vanté l’agriculture française qui est «une force» et qui «constitue l’un des fondements de notre identité, de nos traditions». Comme pour calmer la grogne qui dure depuis une dizaine de jours, Gabriel Attal promet «une exception agricole française». «Lucide sur l’empilement des normes», le premier ministre le reconnaît : «L’agriculture attend des réponses.» Avant de promettre d’être «au rendez-vous sans aucune ambiguïté.»

Après avoir annoncé de premières mesures vendredi dernier en Haute-Garonne, le premier ministre a, en fin de discours, indiqué que «toutes les aides PAC seront versées sur les comptes bancaires des exploitants» dès le 15 mars prochain. Un dispositif fiscal permettant aux agriculteurs de contrer l’inflation sera également «renforcé». Quant aux amendes et aux contrôles que subissent l’industrie et la grande distribution, en application de la loi Egalim, elles seront «réutilisées pour soutenir les agriculteurs.» Gabriel Attal a eu beau se montrer actif depuis le début de ce mouvement social, il sait que le gouvernement «ne résoudra pas la crise agricole en quelques jours.»

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Malgré le changement de premier ministre début janvier, l’équation parlementaire n’a pas changé pour autant : la macronie n’a toujours pas de majorité absolue à l’Assemblée. Alors que le Palais Bourbon a été le théâtre de rebondissements inattendus et violents, comme l’ont montré la réforme des retraites ou plus récemment la loi immigration, Gabriel Attal s’est adressé à la représentation nationale en toute connaissance de cause : «Nous nous opposerons, dans cet hémicycle et ailleurs.» Et de tendre la main aux groupes d’oppositions : «Ma porte sera toujours ouverte.» «À travers vous, ce sont les voix de millions de Français qui s’expriment.»

Gabriel Attal a également appelé à «répondre aux inquiétudes» des classes moyennes, ces «Français qui demandent (…) simplement à pouvoir vivre de leur travail». Le premier ministre est revenu sur la promesse du chef de l’État d’une baisse de 2 milliards d’impôts : elle «sera financée et la solidarité nationale devra s’exercer pour nos classes moyennes», a-t-il assuré. Avant de rappeler les gestes déjà adressés aux Français modestes : «La suppression de la taxe d’habitation», de «la redevance télé», la baisse «des charges qui pèsent sur les classes moyennes»…

Le premier ministre n’entend pas ralentir le train des réformes. D’abord, sur le RSA. Après avoir lancé une expérimentation qui conditionne cette prestation sociale à 15 heures d’activité pour renforcer l’insertion, Gabriel Attal a annoncé la généralisation de ce dispositif «à tous les départements» en janvier 2025. Toujours sur ce dossier, les chômeurs en fin de droits n’auront plus d’allocation spécifique et seront directement basculés au RSA.

Autre réforme attendue : un projet de loi sera déposé dès le second semestre 2024 pour «intégrer le mérite et les efforts» des fonctionnaires à «leur rémunération». Le chef du gouvernement entend enfin s’attaquer à «toutes les trappes à inactivité». Et promet de «mener à bien la solidarité à la source». Dernière demande à l’ensemble des ministères : celle d’«expérimenter la semaine de 4 jours (…) sans réduction du temps de travail», dans les administrations centrales et déconcentrées.

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«À tous les échelons, il faut débureaucratiser la France», a martelé le chef du gouvernement. Face aux «normes» qui contraignent les «Français dans leurs initiatives», Gabriel Attal veut «simplifier les démarches». «Supprimer des normes, c’est possible. Simplifier pour éviter la gabegie, c’est possible», a-t-il assuré, alors que la superposition de normes est au cœur de la mobilisation des agriculteurs. «Tous les organes, comités et autres, qui ne se sont pas réunis ces 12 derniers mois, seront supprimés», a annoncé le premier ministre.

«Je veux alléger le fardeau des règles et des normes» pour les PME et TPE, a poursuivi Gabriel Attal, précisant que chaque année, 60 milliards d’euros sont perdus dans les normes inutiles. Il annonce «après l’été» une «nouvelle étape de la réforme du droit du travail», pour simplifier le quotidien des TPE et PME, prônant la possibilité de «négocier certaines règles entreprise par entreprise.»

Face à la crise du logement, le premier ministre a annoncé «un choc d’offre avec 5 solutions immédiates». Simplification des normes, création de 30 000 logements d’ici 3 ans dans 20 «territoires engagés». L’éphémère ministre de l’Éducation s’est dit prêt à procéder à «des réquisitions des bâtiments vides (…) Nous l’avons déjà fait et nous continuerons», a-t-il indiqué. Poursuivant son ode aux classes moyennes, le locataire de Matignon a ajouté, à la loi SRU relative aux 25% de logements sociaux obligatoires par commune, une part de logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne.

Chose promise par Élisabeth Borne, chose due par Gabriel Attal. Un mois après l’engagement de réformer l’Aide médicale d’État (AME), pris par l’ancienne première ministre aux députés LR, en échange de leur vote en faveur de la loi immigration, le nouveau chef de gouvernement a annoncé l’arrivée d’un tel aggiornamento «avant l’été par voie réglementaire». Si le Conseil constitutionnel a censuré, la semaine dernière, les mesures les plus fermes du projet de loi évoqué précédemment, Gabriel Attal le promet : «La lutte contre l’immigration illégale doit continuer à s’intensifier.» Voulant «renforcer notre souveraineté nationale», le premier ministre vise à «accueillir moins pour accueillir mieux.»

Face aux déserts médicaux et à la pénurie de personnel médical, le chef du gouvernement a annoncé qu’il nommerait un «émissaire, chargé d’aller chercher à l’étranger des médecins étrangers sur notre territoire». «Nous procéderons à la régularisation des médecins étrangers sur notre territoire», a-t-il confirmé. Pour reconnaître «l’expertise» du personnel médical, Gabriel Attal veut également permettre à des infirmières «avec de l’expérience» et «des savoir-faire» de passer «directement en 3e année de médecine». Avant de rappeler les premiers effets – même si insuffisants – de la «suppression du numerus clausus», enclenchée par le chef de l’État. «Quand on ne vient pas chez le médecin sans prévenir, on paie», a-t-il lancé. Le premier ministre veut lancer ce que des médecins appellent «une taxe lapin» pour éviter les milliers de rendez-vous non honorés chaque année. Reprenant le maître-mot de «simplification», Gabriel Attal entend libérer les médecins des «formalités administratives».

Après son passage éclair Rue de Grenelle, Gabriel Attal avait fait le serment «d’emmener» la cause de l’école à Matignon. Dossier qui est, selon le premier ministre, la «mère des batailles». Après avoir rappelé son bilan, dont la mise en place du «choc des savoirs», le premier ministre a affirmé que «la décision du redoublement sera désormais à la main de l’équipe pédagogique.» Autre annonce sur la prise en charge des AESH à la mi-journée, sujet de bataille entre l’État et les collectivités. Le premier «financera désormais l’accompagnement des enfants en situation de handicap sur leur pause déjeuner.» Gabriel Attal s’est enfin projeté sur la rentrée 2026 avec deux dossiers majeurs. Si l’expérimentation de l’uniforme est concluante, celui-ci sera généralisé dans un an et demi ; tout comme le Service national universel (SNU).

Revenant sur l’épisode de violences urbaines de juillet dernier, et face à la jeunesse de certains émeutiers, le premier ministre s’est dit en faveur d’un projet de loi sur la justice des mineurs comportant la création de «travaux d’intérêt éducatif». «Dès le plus jeune âge, il faut en revenir à un principe simple : “tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, tu apprends à la respecter”», a-t-il déclaré. Rappelant que la France dispose «de 50 000 places d’internat disponibles», Gabriel Attal a annoncé le placement facilité, «y compris financier», des jeunes délinquants en internat. «Nous allons lui offrir un cadre, un enseignement et une chance !»

C’est un message de fermeté que Gabriel Attal a voulu adresser depuis la tribune de l’Assemblée nationale. «L’impunité, c’est fini !», a-t-il tonné. Raison pour laquelle le gouvernement compte envoyer des renforts, avec plus «de magistrats» et plus «de greffiers» dans les tribunaux. Souhaitant «taper les dealers au porte-monnaie», Gabriel Attal confirme une mesure déjà promise par Bruno Le Maire, le gel des avoirs des trafiquants de drogue identifiés.

«Désormais, les Français ne seront plus convoqués sur des créneaux pouvant courir sur une demi-journée entière, mais sur un créneau horaire bien défini. C’est aussi par ce type de mesures et de preuves de respect que l’on renoue le lien entre la justice et les justiciables», a-t-il également annoncé.

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Très attendu sur le terrain du réchauffement climatique, Gabriel Attal a promis de «ne pas faire l’écologie contre le peuple», après avoir multiplié les messages aux classes moyennes et modestes. «La décroissance, c’est l’appauvrissement et la fin de notre modèle social. On ne va pas faire l’écologie contre le peuple», a-t-il assené, louant plutôt «une écologie où chacun agit à la hauteur de ses moyens».

Se montrant au plus près des «territoires», le premier ministre a également annoncé «dès ce trimestre» la présentation d’un nouveau «plan d’adaptation au changement climatique» présentant des solutions adaptées à chaque territoire, notamment dans les Outre-mer. Gabriel Attal veut aussi laisser la main aux maires et élus locaux.

Le gouvernement lancera également un «service civique écologique» en 2027, permettant aux jeunes de s’engager dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le gouvernement est déterminé à réformer la loi sur la fin de vie. Le projet de loi sur l’aide active à mourir sera examiné «avant l’été», a déclaré le premier ministre, tout en promettant plus de moyens pour les soins palliatifs. «Nous renforcerons les soins palliatifs avec une unité par département», s’est-il engagé.