Ils veulent ouvrir un musée du jeu vidéo près de Paris en 2026 : un collectionneur et un YouTubeur ont déjà récolté plus d’un million d’euros pour soutenir leur Projet Odyssée grâce à une campagne de financement participatif sur internet. Du sol au plafond d’un entrepôt qu’a pu visiter l’AFP dans les Bouches-du-Rhône, des étagères pleines à craquer recèlent la précieuse collection de Ludovic Charles, 49 ans : toutes les versions imaginables des consoles de Nintendo, Sega, Sony et Microsoft, ou encore l’Odyssey de l’américain Magnavox, sortie en 1972 et considérée comme la première au monde, qui a donné son nom au projet.
Ces plus de 2 200 consoles accumulées depuis une vingtaine d’années constituent l’«une des plus grosses collections au monde», estime M. Charles, qui a attiré l’attention à l’été 2022 en la mettant aux enchères sur un site de vente en ligne pour près d’un million d’euros. «Je n’avais plus envie de la stocker sur des étagères inutilement», raconte-t-il. «C’est la recherche qui m’intéressait mais l’esprit de la collection, le but ultime, c’était vraiment le musée, présenter tout ça de manière exhaustive».
L’annonce est remarquée par la communauté de Benoît Theveny alias Tev, un YouTubeur installé depuis plus d’une dizaine d’années à Tokyo, où il produit des vidéos sur le Japon et la culture geek pour les plus d’un million d’abonnés de sa chaîne Ici Japon, et les deux hommes commencent à discuter d’un projet commun.
«La philosophie, c’est de ne laisser personne de côté», glisse Tev, 43 ans, lors d’un entretien avec l’AFP dans son studio d’enregistrement à Tokyo. Il dit vouloir toucher autant «les enfants de trois ans qui jouent à “Minecraft” que les vieux de la vieille qui ont 50, 60 ans qui ont commencé sur les premiers “Pong”». Le jeu vidéo «est digne d’être dans un musée et d’être reconnu comme une culture à part entière et je pense qu’on est de plus en plus nombreux à être d’accord là-dessus», ajoute-t-il.
Restait à trouver un lieu d’accueil en France, où plusieurs tentatives similaires ont tourné court comme le Pixel Museum de Schiltigheim (Bas-Rhin), fermé en 2020 après trois ans d’activité, ou le Musée du jeu vidéo lancé en 2010 à l’Arche de la Défense près de Paris et qui a mis la clé sous la porte au bout de… dix jours.
«On a appris de ces tentatives», assure Benoît Theveny. «Pour que le projet fonctionne, il faut déjà avoir le soutien de la commune qui l’accueille, c’est notre plus gros atout par rapport aux autres». L’idée a immédiatement séduit la ville de Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), qui planchait de son côté pour attirer les visiteurs sur un «pôle ludique» de 80.000 m² autour de l’e-sport, auquel devrait s’intégrer le Projet Odyssée.
«Malheureusement, Bussy a un peu une réputation de ville-dortoir à mi-chemin entre Disneyland et Paris», explique Fabien Goupilleau, conseiller municipal de 34 ans de cette collectivité et abonné de la chaîne de Tev. «C’est une opportunité pour la ville», dit-il.
Les pères du projet pensent aussi que leur approche pragmatique garantira sa pérennité: «Je ne suis pas le plus grand collectionneur, le plus gros influenceur, le plus gros chef d’entreprise, mais je suis un petit peu de tout ça», glisse Benoît Theveny, dont l’entreprise, présente notamment dans l’e-commerce en plus de la création de contenus YouTube, emploie une quinzaine de personnes.
Tev a «une notoriété qui nous ouvre toutes les portes», souligne Ludovic Charles. Leur campagne de financement participatif, lancée le 20 septembre sur la plateforme KissKissBankBank, avait ainsi déjà recueilli près de 1,3 million d’euros mercredi, plus de 25 fois son objectif initial. Conscients que cette somme ne suffira pas à maintenir le musée ouvert, ils ont eu l’idée d’un «village japonais», selon les mots de Tev, qui partagera les 3 500 m2 dévolus au musée et regroupera commerces liés à la pop culture et restaurants, afin de financer le musée, dont ils espèrent voir la construction démarrer en 2025 pour une ouverture en 2026.
Malgré le succès de la campagne de financement, Benoît Theveny admet que, «quand un YouTubeur débarque avec un gros projet, ça peut faire peur». Alors, dit-il, «notre rôle, c’est de parler à tout le monde et d’expliquer que l’on cherche à s’entourer de tout le monde, même ceux qui ne seraient pas d’accord avec notre vision».