Plonger dans les secrets d’une époque reculée grâce à la technologie la plus avancée ne relève plus de l’utopie. Les papyrus carbonisés d’Herculanum conservant leurs mystères depuis plus de 2000 ans deviennent toujours moins impénétrables. Conservés par les cendres, ces rouleaux découverts au 18e siècle, dans l’une des demeures de la ville frappée par l’éruption du Vésuve en 79 après J.C., dénommée la «Villa des papyrus», attisent la curiosité des chercheurs. La villa, propriété de Calpurnius Pison Caesoninus le beau-père de Jules César, en abritait plus de 1800 rangés sur des étagères.
Ces dernières décennies, d’aucuns travaillent au développement de techniques non invasives pour percer les secrets de ces papyrus extrêmement fragiles. En février dernier, à l’issue d’un concours international créé par Brent Seales, un chercheur en informatique à l’université du Kentucky aux États-Unis, trois chercheurs ont réussi à en déchiffrer grâce à l’intelligence artificielle une petite partie.
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Outre l’intelligence artificielle, l’imagerie et la philologie ont permis une belle avancée. La bibliothèque nationale de Naples, où sont conservés la plupart des textes, a présenté les résultats prometteurs du projet «GreekSchools», né en 2021 d’une collaboration entre l’Université de Pise, la Bibliothèque napolitaine pour déchiffrer les précieux rouleaux. Les scientifiques ont réussi à déchiffrer plus d’un millier de mots inédits, soit environ 30 % du texte, a annoncé Graziano Ranocchia, papyrologue de l’université de Pise coordonnant l’étude «GreekSchools», nous apprend l’ANSA, l’agence de presse italienne.
Issues du papyrus L’Académie d’Athènes, écrit de la plume du philosophe épicurien Philodème de Gadara, ces nouvelles révélations mettent notamment en lumière des pans méconnus de la vie de Platon. «Le projet, en plus d’étudier l’état de conservation des papyrus, a pour objectif de publier une édition mise à jour de la Revue des Philosophes de Philodème, la plus ancienne histoire de la philosophie grecque en notre possession. L’Histoire de l’Académie en fait partie et contient de nombreuses informations exclusives sur Platon et le développement de l’Académie sous ses successeurs», explique Graziano Ranocchia au Corriere fiorentino.
Parmi les révélations les plus surprenantes figure le lieu exact de la sépulture du philosophe, le jardin qui lui était réservé à l’Académie d’Athènes, près du Museion, le sanctuaire sacré des Muses. Jusqu’ici, on le pensait enterré dans un lieu quelconque au sein de l’institution, alors qu’il disposait d’un lieu de repos dédié et prestigieux. Les dix fragments analysés révèlent également que le philosophe aurait probablement été vendu comme esclave sur l’île d’Égine entre 404 avant JC, lorsque les Spartiates conquirent l’île, et 399 avant J.C., immédiatement après la mort de Socrate, et non en 387 avant J.C., lors de son séjour en Sicile à la cour du tyran Denys 1er de Syracuse. Un autre passage révèle un dialogue de Platon, où le philosophe critique vivement la prestation d’un musicien barbare originaire de Thrace. «Il s’agit d’un pas énorme, même si l’étude n’en est qu’à ses débuts : nous ne verrons le véritable impact en termes de connaissances que dans les années à venir», considère Graziano Ranocchia.