Al Sinniyah n’a rien des perles chargées de palaces et de gratte-ciels qui forment le chapelet luxueux des îles émiraties. L’îlot désertique ne fait pas de vagues le long de la côte méridionale du golfe Persique, au nord de Dubaï. Cette langue aride et ensablée ravit en revanche les archéologues des Émirats arabes unis. Ils y ont mis au jour, ces derniers mois, des vestiges pour le moins inattendus dans cette partie du monde : un monastère chrétien.
Selon les premières datations réalisées sur les vestiges découverts sur place, le complexe religieux aurait été fondé entre la fin du VIe et le début du VIIe siècle. Cela en ferait un site qui précède de quelques dizaines d’années la naissance et la diffusion de l’Islam dans la péninsule arabique, voire qui en serait contemporain.
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Découvert dès 2021, le monastère d’Al Sinniyah a été minutieusement dégagé au cours de l’année écoulée. Le chantier a été confié aux archéologues de l’université des Émirats arabes unis, en collaboration avec l’université de New York et la mission archéologique italienne d’Umm Al Quwain. «C’est une découverte extrêmement rare», s’est réjoui dans le quotidien émirati The National , en novembre, l’archéologue britannique Tim Power, qui a participé à l’opération de fouille. «Le fait qu’il y ait eu une population arabe chrétienne en Arabie orientale a été un peu oublié, poursuit-il. Cette découverte est donc un rappel important d’un chapitre perdu de l’histoire arabe.»
Le site religieux était composé d’une église à nef unique, de cellules et d’un réfectoire. Une résidence privilégiée, une maison à cour, qui devait accueillir le responsable de la communauté a aussi été mise au jour. Des structures liées à la vie quotidienne – citernes, fours, espaces de stockage… – complétaient le tout. Parmi les éléments les plus remarquables, les chercheurs révèlent avoir identifié de possibles fonts baptismaux près de l’autel, ainsi que les vestiges de larges calices en verre sans doute d’anciennes coupes liturgiques, pour l’Eucharistie.
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Les vestiges les plus récents du site dateraient du milieu du VIIIe siècle, de la fin du Califat omeyyade, dont l’emprise s’étendait de la façade atlantique à la vallée de l’Indus. «La communauté n’a pas fait l’objet d’une conquête violente, mais a été lentement abandonnée», pointe néanmoins Tim Power, qui indique que les archéologues n’ont pas mis en évidence de traces de destruction violente du monastère. Le souvenir du site, comme des autres monastères, s’est dissipé au fil des siècles. «C’est tout un pan d’histoire cachée, en somme», résume encore Tim Power pour l’agence américaine Associated Press.
Le monastère d’Al Sinniyah est le second établissement chrétien de ce genre découvert aux Émirats arabes unis depuis les années 1990, et le sixième autour du golfe Persique. À quelques centaines de mètres du monastère, les vestiges de deux villages ont également été fouillés par les chercheurs. Le premier avait été détruit par les Britanniques en 1820. Le second datait de l’époque préislamique. En visite sur place en novembre, la ministre émiratie de la Culture, Noura Al Kaabi, a assuré que ces différents sites feraient l’objet d’une protection patrimoniale. L’île d’Al Sinniyah n’était, au bout du compte, pas si vide que cela.