Il était l’auteur du premier manga au succès planétaire, Dragon Ball. Akira Toriyama a largement contribué au triomphe international de la bande dessinée japonaise. Le mangaka est décédé à l’âge de 68 ans d’un hématome sous-dural, ont annoncé vendredi 8 mars sa maison d’édition et son studio. Déclinée en anime, film ou jeux vidéo, sa principale saga a accompagné des générations entières d’auteurs qui ont grandi avec elle.
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Au Japon, Eiichiro Oda, créateur du manga One Piece et digne héritier du maître, a regretté dans un communiqué la mort «trop précoce» d’Akira Toriyama, qui laisse «un grand vide». «Penser que je ne le reverrai jamais… Je suis submergé par la tristesse», a-t-il ajouté.
Jacques Glénat qui a rencontré le maître mangaka et publié une grande partie de ses œuvres en France salue son immense talent .«Le sourire naïf du petit Son Goku s’est éteint avec la disparition soudaine du créateur de Dragon Ball, le mangaka Akira Toriyama. Dans un monde de grands méchants pas si méchants, le petit garçon à queue de singe et les acteurs de son petit théâtre ont enchanté des millions de lecteurs sur la planète Terre. L’histoire de cette longue quête dans l’univers du bien et du mal, selon la tradition japonaise, restera un éternel chef-d’œuvre du manga.»
Des propos corroborés par Benoît Huot, responsable éditorial manga aux éditions Glénat : «La première réaction est la stupeur, il n’avait que 68 ans. Ensuite, on passe bien évidemment par une phase de tristesse parce qu’Akira Toriyama est l’auteur par lequel énormément de personnes ont découvert le manga en France. Dragon Ball a été mon premier manga. J’ai également une pensée émue pour les fans. Une série comme Dragon Ball a touché énormément lecteurs qui ont grandi avec ses nombreuses histoires». L’éditeur rappelle l’immense impact de la série: «Dragon Ball a été un véritable choc. Avant son arrivée les lecteurs ne connaissaient pas cette grammaire. Cette version iconique du genre véhicule des valeurs fortes telles que l’action, l’amitié ou le dépassement de soi et a élaboré les codes du shônen. Son influence est énorme. Akira Toriyama est le premier mangaka à avoir été honoré pour l’ensemble de son œuvre à Angoulême.»
Akira Toriyama a accompagné toute une génération d’auteurs qui ont mesuré toute l’étendue de sa force graphique et la profondeur des aventures de son héros. À l’instar du grand amateur du genre Julien Neel, auteur de la série jeunesse à succès Lou! : «Akira Toriyama faisait partie de ces dessinateurs, comme Moebius, Zep ou Mordillo que je qualifie de “tactiles”. Il y a un soin particulier pour le volume dans son trait. Personnages, véhicules, objets et décor : tout semble palpable et gonflé à l’hélium. C’est pour cela qu’à mon sens, les univers de Toriyama, subtilement absurdes, où se côtoient humains et animaux anthropomorphiques semblent malgré tout étrangement tangibles. J’ai particulièrement apprécié le début de son œuvre, quand elle était potache et légère tout en proposant un vrai appel à l’aventure. J’ai beaucoup aimé L’apprenti mangaka, une charmante petite méthode de bande dessinée drôle et décomplexante, destinée aux plus jeunes mais pleine de précieux conseils.»
Midam, l’auteur d’un autre succès jeunesse, Kid Paddle, a également exprimé, non sans humour, sa peine sur Twitter, tout en saluant le génie du mangaka. «Pfff… on vit pas vieux dans ce métier, tout le temps plié en deux sur sa table à dessin. RIP Genius
Ému, Sylvain Ferret, auteur avec Nevan du manga L’Ombre de Moon et de la trilogie gothique Talion, confie un vibrant hommage à celui qui lui a donné ses premiers grands émois de lecture : «C’est étrange pour moi. Je suis rarement touché par le décès de personnes que je ne connais pas personnellement même de ceux dont j’apprécie le travail, mais Dragon Ball est ma première découverte d’émotion en bande dessinée. La première fois que j’ai ouvert un Dragon Ball j’ai ressenti mes premières émotions fortes, mes premiers moments de tensions, de rire. Et cette émotion j’allais la chercher dans tous les œuvres. Je relis les 42 tomes de la série à peu près tous les deux ans. Encore aujourd’hui je ressens cette nostalgie adolescente des premiers émois. Tous mes codes d’humour, de dessin, de traits, d’expression, tout vient de là. Toriyama excelle dans l’humour et la création de personnages. L’attachement aux héros, la combativité, la notion de l’effort tout cet esprit shônen vient de Dragon Ball. Cela a été formateur pour moi. J’ai grandi dans un petit village perdu où me dire qu’un jour j’allais devenir dessinateur de BD relevait du rêve inaccessible, mais les notions d’effort que diffuse Dragon Ball m’ont touché et m’ont permis de tenir. »
Non moins touché, Michaël Sanlaville, qui avec Balak et Bastien Vivès a imaginé le manga à la française Lastman ne dit pas autre chose: «C’est un jour étonnant pour moi aujourd’hui. Akira Toriyama n’était pas un proche et pourtant son décès me bouleverse. Il a été un tel pionnier dans une culture qui dépasse les frontières. Un mentor s’est éteint aujourd’hui. J’ai appris à dessiner avec lui, les poses d’action, les mains, tout un tas de détails qui sont précieux aujourd’hui. L’univers fabuleux de dragon Ball, sa richesse, sa subtilité a donné envie à toute une génération d’auteurs de se lancer. Pour moi ça a été un détonateur. Je lui dois les basiques du dessin. Collégien, je recopiais les cases de Dragon Ball de façon obsessionnelle». Comme Sylvain Ferret, l’auteur de Banana Sioule, autre série reprenant les codes du shônen, se rappelle ses premières grandes exaltations de lecture ainsi que l’apport de valeurs fortes : «C’est la première fois que je suis transporté, enfant, par un récit dessiné au-delà du raisonnable. Ces personnages qui expriment leur colère à travers toute cette mise en image de l’énergie, telles des boules de feu, cette rage qui s’exprime sur une esthétique qui sort des cases, pour beaucoup d’enfants de ma génération c’était un vrai exutoire. Après une semaine un peu difficile passée au collège, on lisait Dragon Ball et on avait l’impression de se défouler.»
Des hommages qui s’ajoutent à celui de la ministre de la Culture, Rachida Dati. « Pour des millions de lecteurs qui suivaient avec passion les aventures de Son Goku, Tortue Géniale et Son Gohan et qui rêvaient parfois eux-mêmes de devenir des Super Saiyan, il était une immense référence de l’art du manga», a-t-elle souligné dans un communiqué.