La course à l’intelligence artificielle s’invite au cinéma. Après avoir emporté des prix d’illustration, de photographie, créé un faux duo entre Drake et The Weeknd et même inventé un album inédit d’Oasis, les intelligences artificielles se frottent au septième art. Le court métrage /Imagine, co-réalisé par la cinéaste Anna Apter et une IA, a remporté vendredi soir deux prix lors de la cérémonie de clôture de la treizième édition du Nikon Film Festival.

Le film d’un peu plus de deux minutes, lauréat du prix de la critique et de la mise en scène, présente une succession de vignettes inquiétantes. Une narratrice interroge une intelligence artificielle et lui demande comment grandir à l’ère des réseaux sociaux. L’IA lui répond alors avec des portraits d’enfants au regard vide. L’atmosphère est glauque ; pas une seule image n’est réelle. Sur un plan, un personnage a quelques doigts en trop. «Aucun enfant n’a fait d’heure supplémentaire pour les besoins de cette vidéo car ils n’existent pas», a malicieusement averti Anna Apter sur son compte Instagram.

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À rebours des autres équipes distinguées au Nikon Film Festival, Anna Apter a été seule aux manettes de /Imagine. Réalisatrice des séries Cher journal et Ça sera (peut-être) mieux après, pour Canal , cette graphiste de formation âgée de 35 ans a «écrit, réalisé et interprété» par elle-même son film, «entre Noël et le Nouvel An, en décembre 2022». La cinéaste a également été en charge du «casting», de la photographie, du son, du montage et de la production de cet étonnant court métrage, comme l’indique sa présentation sur le site du festival. «J’ai fait /Imagine parce que je ne voulais dépendre de personne d’autre que de moi et que j’étais prise à ce moment par la production d’une série ; c’était un projet en solitaire, un coup de tête», confie Anna Apter après la cérémonie.

La réalisatrice explique avoir eu recours à Midjourney, la plateforme de création d’images générées par intelligence artificielle. Elle décrit la technologie comme étant «spectaculaire», «à la fois jouissive et effrayante». «J’ai décrit à l’IA les scènes que je souhaitais avoir, avec des indications très précises, comme je l’aurais fait à une équipe technique. Ici, je voulais tel enfant, dans telle chambre ; là, je voulais tel décor et telle lumière, à telle heure de la journée», détaille Anna Apter. La cinéaste précise avoir généré beaucoup d’images, retenu une infime partie, retouché les résultats sur Photoshop – en laissant quelques «accidents» – puis animé le tout «avec d’autres outils gratuits, disponibles sur Internet». Budget total de la vidéo ? Trente euros. Le prix d’un abonnement d’un mois à Midjourney.

L’intelligence artificielle n’a pas monopolisé l’ensemble des prix de la manifestation organisée par Nikon. Présidé par Alexandre Astier, le jury de cette 13e édition a décerné son Grand Prix à Tears Come From Above, de Margaux Fazio et Manon Stutz. Ce court métrage consacré à un survivant gay des camps de la mort a également remporté le prix international.

Pour son treizième anniversaire, le thème imposé de cette nouvelle édition du Nikon Film Festival était… le chiffre 13. Cinquante films finalistes étaient en lice pour décrocher un des treize prix. Le jury a distingué cette année plusieurs courts métrages comiques, dont La Grinta d’Ilan Zerrouki, 13 euros, de Bertrand Goncalves et Guillaume Courty ainsi que Réincarnés de Camille Charbeau et Hugo Brunswick et Dommage, d’Alice Isaaz. Trois films de genre ont aussi été primés : Étreinte d’Axel Zeltser et La Maintenance d’Enzo Croisier et Ecroma Teio, de Frédéric Uran et Kevin Poezevara.