«C’est magnifique de pouvoir faire ça, c’est une fierté pour moi», glisse Soprano au milieu de son concert survitaminé samedi près d’Angers. Les fans malvoyants bénéficiaient d’une «audiodescription» en direct, une première en France.

Samedi soir lors du concert à l’Arena Loire Trélazé, dans le cadre du Chasseurs d’étoiles tour, une dizaine de spectateurs malvoyants ou aveugles ont été équipés d’un casque et d’un récepteur permettant d’écouter l’audiodescripteur tout en profitant de la musique du rappeur marseillais, réputé sensible à la cause du handicap. «D’habitude, quand j’assiste à un concert, c’est un ami ou ma femme qui me chuchote à l’oreille les moments les plus marquants», confie à l’AFP Jean-Christophe Guyon, musicien de 57 ans, atteint d’une rétinite pigmentaire, qui possède uniquement une vision périphérique avec son œil gauche.

«Non seulement ce n’est pas fluide mais en plus cela peut gêner l’entourage», poursuit-il, ravi que sa femme assise à ses côtés puisse «pleinement profiter» du concert. Laëtitia Prin, 24 ans, cogérante d’une société de conseils dans le domaine de l’accessibilité visuelle, souffre de la même maladie génétique. Mais elle possède de son côté une vision uniquement centrale et pas du tout périphérique. «Mon premier concert, c’était Big Flo et Oli , se souvient-elle. C’était difficile pour moi de suivre les déplacements des artistes sur scène et parfois, les spectateurs se mettaient à rire sans que je ne sache pourquoi. L’audiodescription permet de mieux vivre l’instant».

À l’Arena Loire, cette mission inédite pour un concert de musique actuelle était assurée par Morgan Renault, 37 ans, auteur et narrateur d’audiodescription. Elle exerce ce métier singulier depuis 13 ans, principalement dans l’univers de cinéma, de l’audiovisuel, du théâtre ou plus récemment de la danse. «Mon objectif est d’être le plus précis et imagé possible pour que ces personnes puissent vivre la même expérience que les voyants, sans pour autant empiéter sur les paroles de Soprano», explique-t-il. L’objectif est de décrire la scénographie «grandiose et ambitieuse» du chanteur, de raconter de quelle façon il est habillé, comment ses danseurs se déplacent sur scène ou de quelle manière le public interagit avec les musiciens et les choristes, appelés des «backeurs».

L’opération inédite d’audiodescription a été initiée par la fondation Visio, basée à Angers, spécialisée dans l’aide et l’assistance aux enfants et adultes déficients visuels. «Notre objectif est de donner accès à toute forme d’expression artistique et le chemin est encore long, explique Pascale Humbert, sa directrice. Nous faisons beaucoup d’audiodescription pour des films mais n’avions encore jamais expérimenté de concert de cette nature. La contrainte est la même : savoir choisir les bons termes en très peu de temps».

Pour préparer sa narration, financée par le Crédit Mutuel, l’audiodescripteur a pu visionner une captation du concert de Soprano, particulièrement dense sur le plan visuel, entre arrivée dans les airs depuis un vaisseau spatial, écrans géants saturés de couleurs vives, effets pyrotechniques et chorégraphies endiablées. «J’ai préparé la trame de la première partie et pour la seconde, j’y suis allé à l’instinct, en pressentant les moments opportuns pour parler sans polluer le concert, indique Morgan Renaud, micro en main et casque vissé sur les oreilles, aussi concentré que les artistes qui déploient toute leur énergie sur scène. J’espère surtout que cette expérience se reproduira».