À partir de ce jeudi et pendant dix jours, Hollywood déménage sur les pentes enneigées de l’Utah. Pour la première fois depuis l’avènement de la pandémie, le festival de Sundance, où sont dévoilés le meilleur du cinéma indépendant et ses nouveaux talents, aura lieu dans son ampleur et faste habituels, sans réduction de voilure .

Co-fondé par l’acteur Robert Redford, cet événement se tient jusqu’au 29 janvier dans une station de ski à plus de 2000 mètres d’altitude. Il constitue une plateforme de lancement essentielle pour de nombreux films à petit budget en quête d’un distributeur. Après plusieurs éditions en ligne et hybrides, Sundance est le dernier grand festival de cinéma à revenir vers un format classique. Reste à savoir si les enchères des studios seront à la hauteur. Les géants Netflix et Warner Bros s’imposent une cure d’austérité et d’économie, après avoir dépensé de manière illimitée pour gonfler leur offre de streaming.

Environ 110 films se partagent l’affiche cette année. Leurs créateurs sont «très enthousiastes» de pouvoir se retrouver enfin en personne, selon la directrice de la programmation du festival, Kim Yutani. «En fin de compte, ce moment où l’œuvre rencontre le public est quelque chose que nous chérissons tous vraiment», explique-t-elle. «L’appréhension du cinéaste avant la projection, le fait de se trouver devant ce public, de vivre la réaction et les questions-réponses (…), rien ne peut remplacer cela.»

Les documentaires sont traditionnellement la pierre angulaire du festival. Cette année, l’un des plus attendus est Deep Rising. Narrée par l’acteur hawaïen et star d’Aquaman Jason Momoa, l’enquête décortique l’inquiétante course pour l’exploitation minière des fonds sous-marins à la recherche de recherche de métaux rares, utiles pour les batteries de la «révolution verte».

Une autre star américaine, Dakota Johnson, prête sa voix au script de The Disappearance of Shere Hite. Le documentaire retrace l’histoire oubliée de l’autrice du Rapport Hite, une étude pionnière sur la sexualité féminine, qui s’est vendue à des millions d’exemplaires, mais qui a déclenché une violente réaction misogyne. Judy Blume Forever raconte comment cette auteure américaine a initié une génération de jeunes filles à la puberté et au sexe, mais a été attaquée par des militants conservateurs.

Comme à Cannes, la guerre en Ukraine est centrale. Iron Butterflies examine le crash du vol MH17, abattu en 2014 par des séparatistes soutenus par la Russie en Ukraine, et relie l’absence de conséquences pour les responsables à la guerre actuelle. Le conflit est lui le sujet de 20 Days in Mariupol.

L’Iran est aussi au cœur des préoccupations. Joonam suit trois générations de femmes de la famille iranienne de la réalisatrice Sierra Urich. Les longs-métrages de fiction The Persian Version et Shayda, produit par Cate Blanchett avec Zar Amir Ebrahimi prix d’interprétation à Cannes, explorent également les histoires des femmes en Iran et dans sa diaspora, au moment où le pays est secoué par d’importantes manifestations.

Sundance sera aussi le rendez-vous des stars, ravies d’enfiler pulls et bottes plutôt que robes de soirée et talons aiguilles et de troquer les tapis rouges pour les pistes. Ce jeudi, la star de Game of ThronesEmilia Clarke et l’acteur Chiwetel Ejiofor présenteront lors de la soirée d’ouverture The Pod Generation, une satire sociale située dans un futur proche, où une entreprise a inventé un utérus détachable, permettant aux couples de partager leur grossesse.

Révélée par le remake américain de la famille Bélier, la vedette de CODAEmilia Jones revient pour défendre Cat Person. Adapté d’une célèbre nouvelle du New Yorker, le drame raconte un rendez-vous entre une jeune étudiante et un homme plus âgé qui débouche sur une liaison et explore les zones grises du consentement. Avec Fairyland, inspiré d’un best-seller, la Britannique remonte le temps à l’époque où le VIH ravage San Francisco. CODA était devenu le premier film primé à Sundance à recevoir l’Oscar du meilleur film. C’est à l’issue de son avant-première à Sundance qu’Apple TV avait acquis la comédie familiale à prix d’or.

Dans Eileen, Anne Hathaway campe une employée séduisante nouant une amitié de mauvais augure avec une collègue solitaire (Thomasin McKenzie). Le tout sous la tutelle de William Oldroyd, auteur du remarqué Lady Macbeth qui propulsa Florence Pugh sous les feux de la rampe.

You Hurt My Feelings réunit Julia Louis-Dreyfus (Veep) et la réalisatrice Nicole Holofcener. Le duo chronique le désenchantement d’une écrivain qui apprend que son mari thérapeute ne la lit pas. Cette confession brutale va à l’encontre d’un conjoint au soutien indéfectible.

La future star de Marvel Jonathan Majors, qui prête ses traits au terrible Kang dans Ant Man et La Guepe : Quantumania, sera à l’affiche de Magazine Dreams, portrait d’un culturiste qui pousse son corps au bout de ses limites.

Des Français seront aussi présents à Sundance. Notamment Adèle Exarchopoulos. La révélation de La vie d’Adèle donne la réplique au Britannique Ben Whishaw et à l’Allemand Franz Rogowski qui campent un couple gay en quête d’aventures extraconjugales dans Passages d’Ira Sachs. L’un se trouve un amant, l’autre une maîtresse.