Le bras de fer entre acteurs grévistes et patrons de studios à Hollywood se niche même dans les détails les plus frivoles. Quitte à paraître jusqu’au boutiste et un peu ridicule, le syndicat SAG-AFTRA a prié ses 160.000 membres de ne pas se déguiser en personnage d’œuvres cinéma et télé produites par les studios hollywoodiens. Cette demande faite aux acteurs, cascadeurs, danseurs et autres professionnels des petit et grand écrans vise notamment Barbie de Warner Bros, Oppenheimer d’Universal, les super-héros de l’univers Marvel de Disney ou encore Stranger Things de Netflix.
Le syndicat a conseillé à ses membres de choisir des costumes génériques de «fantôme, zombie, araignée» pour se déguiser le 31 octobre. Ils peuvent aussi s’inspirer de personnages de dessins animés qui ne sont pas touchés par le mouvement de grève des acteurs qui réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l’ère du streaming, et des mesures de protection face à l’intelligence artificielle.
«Utilisons notre force collective pour envoyer un message fort à nos employeurs que nous ne ferons pas la promotion de leurs contenus sans un contrat juste», a déclaré le syndicat SAG-AFTRA dont les membres ont déserté les plateaux de tournage depuis mi-juillet. Cette consigne n’a pas été appréciée de tous. L’ancienne présidente du SAG-AFTRA Melissa Gilbert (la petite Laura de la série La petite maison dans la prairie) l’a jugée «infantile». «Pensez-vous vraiment que ce genre de trucs va mettre fin à la grève ? Nous ne faisons pas du tout sérieux. S’il vous plaît, dites-moi que vous allez faire disparaître cette règle… et allez négocier ! », écrit-elle sur Instagram. Dans son sillage, la vedette du mélodrame This Is Us Mandy Moore s’agaçait elle-aussi : «Est-ce une farce? Nous vous demandons de négocier de bonne foi en notre nom. Tant de personnes travaillant dans cette industrie ont fait d’énormes sacrifices depuis des mois. Revenez à la table et obtenez un accord équitable afin que tout le monde puisse retourner au travail». Quant à Ryan Reynolds, il raillait : «Comment vais-je pouvoir expliquer à ma fille de 8 ans qu’elle brise le piquet de grève en se déguisant comme ses héros ?»
Studios et acteurs ont annoncé la semaine dernière la suspension de leurs négociations malgré un accord salarial le mois dernier entre les studios et les représentants des scénaristes, qui avait mis fin à la grève entamée en mai par cette corporation. Beaucoup de connaisseurs du milieu espéraient que cet accord puisse servir de base de travail aux discussions entre le SAG-AFTRA et l’alliance des studios.
Mais les revendications salariales portées par le SAG-AFTRA vont plus loin que celles de leurs collègues scénaristes. Ils réclament notamment une augmentation plus importante des salaires et de recevoir une dime sur chaque abonnement aux plateformes de streaming, et non une prime. Cela représenterait 500 millions de dollars, là où les studios ne veulent verser que 20 millions d’euros.
Face à ce blocus, une poignée de superstars, dont George Clooney et Scarlett Johansson et Ben Affleck, ont tenté une médiation qui a échoué. Le groupe de vedettes proposait verser les droits résiduels aux acteurs les moins bien payés et de payer en dernier les poids lourds. Autre mesure phare : lever le plafond qui limite les cotisations au syndicat pour les acteurs gagnant plus de 1 million de dollars de cachets. Cela aurait permis d’augmenter le fond du SAG-AFTRA et d’aider par différentes actions sociales les acteurs les plus précaires. Mais cette proposition, pointe le syndicat, est hors sujet et n’adresse aucune de leurs revendications sur une augmentation des salaires et sur la question des droits résiduels.
Alors que la grève des acteurs s’apprête à entrer dans son 100e jour, des dissensions commencent à apparaître dans les rangs comme le montre cette tentative de médiation rendue publique par les poids lourds de Hollywood qui ont tenté d’infléchir la position de la dame de fer et présidente du SAG-AFTRA, la Nounou d’enfer Fran Drescher. La sortie du bois de George Clooney, Meryl Streep et leurs pairs suggèrent qu’ils n’ont pas confiance entre la stratégie du comité de négociation pour sortir de la crise. D’après Variety, certains responsables de studios estiment que Fran Drescher «cherche moins à trouver un accord que mener une croisade pour une meilleure redistribution de la richesse à Hollywood».