Comédie de Denys Arcand, 1h55

Il en a vu d’autres. Il reçoit un prix littéraire au milieu de féministes déchaînées. En plus, il y a erreur sur la personne : le véritable lauréat est un homonyme. Jean-Michel Bouchard assiste à la cérémonie avec un regard amusé et furibard. Ce septuagénaire en costume trois-pièces de bonne coupe observe d’ailleurs ses contemporains avec une solide dose de philosophie. Vaguement écrivain, il vit dans une luxueuse maison de retraite entourée d’un vaste parc. Son pays a changé. Bientôt, il ne le reconnaît plus. Il lui faudrait peut-être des lunettes neuves. En situant son nouveau film dans une maison de retraite au quotidien mouvementé, le québécois Denys Arcand se moque de notre époque. Loin du politiquement correct. Bouchard pousse de gros soupirs. Sa voisine de palier ne veut plus qu’on l’appelle Stéphanie. Dites désormais Stef. Le héros s’entraîne avec ironie à s’exprimer en langage non genré (essayez : le résultat est savoureux). Les offensés se découvrent de plus en plus nombreux. Attention où l’on pose les pieds. À 82 ans, Denys Arcand n’a pas l’âge de ses artères. Mais avec Testament, il a la dent dure. L’époque le désole. Il choisit de s’en moquer. É.N.

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Drame de Delphine Deloget, 1h52

Delphine Deloget est l’heureuse découverte de la semaine avec Rien à perdre, son premier long-métrage, un drame jamais mélodramatique d’une grande justesse. En offrant le rôle principal à Virginie Efira, elle ne pouvait s’offrir meilleure carte d’entrée. Bouleversante, la comédienne incarne Sylvie, barmaid la nuit dans un café-concert à Brest et mère célibataire proche de ses deux garçons, Jean-Jacques, l’aîné, et Sofiane. Mais ce petit dernier à tendance hyperactive a un peu trop la frite… et il les aime un peu trop également. Un soir où sa mère travaille et son grand frère n’est pas encore rentré, il lui prend l’envie d’en cuisiner et finit à l’hôpital, brûlé au second degré. Rien de bien grave heureusement, mais l’accident domestique va enclencher un engrenage infernal. Comme le garçon était seul, l’hôpital fait un signalement pour négligence auprès de l’Aide sociale à l’enfance, qui va elle-même lancer une procédure pour placer Sofiane en foyer et faire exploser la cellule familiale. Si le scénario, très bien documenté, repose sur des témoignages réels, le film s’en affranchit ensuite. Il quitte un réalisme brut pour s’attarder sur le portrait plein de vie, presque charnel, d’une femme qui ne renonce pas, l’instinct de survie chevillé au corps, malgré des obstacles de plus en plus insurmontables. Confronté dans les salles de cinéma aux grandes batailles napoléoniennes emmenées par Ridley Scott, ce combat tristement ordinaire mais héroïque d’une mère de famille, mérite lui aussi les champs d’honneur. V.B.

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Drame historique de Ridley Scott, 2h30

Il n’a pas osé intituler son film Napoléon et Joséphine. Il aurait pu, dans un souci de transparence. Joséphine de Beauharnais (Vanessa Kirby) est ici un personnage de premier plan. Malgré des scènes de bataille spectaculaires, le réalisateur met en scène Joaquin Phoenix en empereur amoureux transi de Joséphine dans une vision réductrice de l’histoire. À l’ombre des pyramides, Napoléon écrit des lettres énamourées à Joséphine. Elle ne lui répond pas, trop occupée à s’envoyer en l’air avec un beau militaire – on dirait du Labiche. Scott a beau consacrer du temps à ce mélo impérial, on a l’impression qu’il se fiche comme d’une guigne du Napoléon cœur d’artichaut. C’est le stratège militaire qui intéresse le réalisateur, plus à l’aise sur le champ de bataille que dans la chambre à coucher. La mise en scène de Scott fait alors honneur au génie militaire de l’Empereur. Dès le siège de Toulon en 1793, le Corse se montre un fin tacticien pour anéantir la flotte anglaise et Scott un maître du grand spectacle. Les fans de Stratego, jeu de plateau inspiré des guerres napoléoniennes, apprécieront. Entre la guerre dans le couple et en Europe, la politique est la grande perdante. Elle disparaît dans des ellipses tranchantes comme un sabre. Talleyrand et Fouché font de la figuration. En creux, il apparaît que Napoléon est un grand chef militaire parce qu’il est un piètre diplomate. Un conquérant insatiable et sans vision. On pourrait en dire autant de Scott, dont la fresque sur l’un des personnages les plus controversés de l’Histoire de France laisse étrangement indifférent. É.S.

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Drame d’Anthony Chen, 1h37

Remarqué à Cannes en 2013 avec Ilo Ilo, récompensé de la caméra d’or du meilleur premier film, le Singapourien Anthony Chen plante sa caméra à Yanji, ville à la frontière de la Chine et de la Corée du Nord. Il suit trois jeunes adultes au cœur de l’hiver. Un Jules et Jim mélancolique et plein de grâce. É.S.

Comédie de Rudy Milstein, 1h41

Louis, avocat junior, est transparent dans le cabinet qui l’emploie. Quand on lui diagnostique par erreur un cancer, le regard sur lui change et il devient quelqu’un qui compte. Vincent Dedienne est parfait dans cette comédie sur le mensonge qui fait penser à Pierre Salvadori. Le scénario est moins irréprochable et le personnage de Géraldine Nakache, cancéreuse en rémission et vulgaire, est plus pénible que drôle. É. S.