Les écrivains de demain devront-ils être politiquement corrects? La Roald Dahl Company a fait appel à des «inclusive readers» pour réviser l’œuvre de Roald Dahl et s’assurer que rien ne puisse choquer les lecteurs contemporains. La version expurgée est parue chez l’éditeur anglais Puffin, département jeunesse de Penguin. Ainsi, tout mot «en lien avec le poids, la santé mentale, la violence, le genre et la race» a été coupé, comme le relate The Telegraph. Exit également les termes «blanc», «noir» et «gros». Des centaines de modifications de ce genre ont été apportées. De plus, des paragraphes ont été ajoutés. Certains écrivains se sont émus de ces révisions, dont Salman Rushdie qui voit dans cette révision une «censure absurde». Hedwige Pasquet, directrice des Éditions Gallimard jeunesse, réagit à la polémique.
LE FIGARO. – L’éditeur anglais Penguin a publié une version edulcorée, voire expurgée des textes de Roald Dahl. Gallimard jeunesse va-t-il modifier sa traduction?
Hedwige PASQUET. – Les ayant-droits se sont adressés à une société «d’inclusive readers», Inclusive Minds, un collectif de personnes passionnées par l’inclusion et l’accessibilité dans la littérature jeunesse. Ce sont eux qui ont revu les textes de l’auteur. Par la suite, il y a eu une transmission entre la Roald Dahl Company et l’éditeur Penguin, l’éditeur de Roald Dahl. Nous n’avons pas modifié nos versions dans les Folio junior et nous n’avons pas l’intention de changer les textes. Nous avons le respect de l’œuvre de l’auteur. S’il y avait, à la limite, quelque chose à faire, ce serait de contextualiser l’œuvre de Roald Dahl, c’est-à-dire, l’époque à laquelle ses textes ont été écrits. A ce compte-là, pourquoi ne pas changer les contes de fées? Tous les textes devraient être révisés…
Pensez-vous que Roald Dahl aurait accepté ces modifications?
Non, car cela fait perdre de sa saveur à ses textes. Or, l’esprit de Roald Dahl est un peu ironique, très vif, amusant. Néanmoins, Roald Dahl avait fait lui-même un changement dans Charlie et la Chocolaterie. Les pygmées étaient devenus les petits personnages orange des Oompas Loompas. Si l’auteur fait un changement, il faut le respecter. Mais changer tout un texte aujourd’hui sans son consentement? Non.
Comprenez-vous donc la polémique suscitée par ces changements? Salman Rushdie a pu parler de «censure».
Cet événement se déroule à l’ère du cancel-culture. Dans ce contexte-là, la polémique enfle. La Roald Dahl Company a reconnu avoir travaillé pour le marché anglais. Ils souhaitent respecter la culture de chaque pays.