Le polissage policé du patrimoine littéraire, très peu pour lui. Le premier ministre britannique Rishi Sunak s’est ému de la parution controversée d’une nouvelle édition des livres de Roald Dahl, l’auteur de livres pour enfants connu en particulier pour Charlie et la chocolaterie . «Nous ne devons pas jouer avec les mots», a indiqué lundi le porte-parole du premier ministre, en réaction à la suppression de mots jugés offensants, tels que des références au poids, à la santé mentale, à la violence, ou aux questions raciales ou de genre. Avant de poursuivre : «Il est important que les œuvres littéraires, les œuvres de fiction, soient préservées et non pas retouchées.»
D’autres personnalités se sont également indignées du parti pris décidé par l’éditeur anglais Puffin, avec l’assentiment de la Roald Dahl Story Company, qui gère l’ensemble des droits de l’auteur disparu il y a plus de trente ans. «Roald Dahl n’était pas un ange, mais c’est de la censure absurde», a ainsi réagi sur Twitter l’écrivain britannique Salman Rushdie, icône de la liberté d’expression victime d’une violente agression il y a six mois.
La patronne de PEN America Suzanne Nossel, organisation rassemblant 7000 écrivains pour la liberté d’expression, a jugé que «l’édition sélective pour faire que les mots de la littérature se conforment à des sensibilités particulières pourrait représenter une arme nouvelle dangereuse».
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Parmi les changements opérés par l’éditeur, le terme «gros» n’est plus employé pour décrire Augustis Gloop de Charlie et la Chocolaterie. Les «hommes-nuages» de James et la Pêche géante deviennent quant à eux le «peuple nuage». Tous les changements sont «réduits et soigneusement réfléchis», a assuré un porte-parole de la Roald Dahl Story Company. Le passage en revue a été lancé en 2020 avant le rachat en 2021 par Netflix du catalogue de l’auteur pour enfants.
La rédactrice en chef adjointe du journal conservateur Sunday Times, Laura Hackett, a déclaré qu’elle garderait ses éditions originales de Roald Dahl, afin que ses enfants puissent «les apprécier dans toute leur gloire méchante et colorée». «Si Dahl nous offense, ne le réimprimons pas», a quant à lui estimé l’écrivain Philip Pullman lundi sur la BBC, soulignant que des millions de ses livres orignaux resteraient en circulation pendant de nombreuses années quels que soient les changements effectués dans de nouvelles éditions.
«Lors de nouveaux tirages de livres écrits il y a des années, il n’est pas inhabituel de passer en revue le langage utilisé et de mettre à jour d’autres éléments comme la couverture et la mise en page», a affirmé le porte-parole de la Roald Dahl Company, soulignant la volonté de conserver histoire, personnages, et «l’irrévérence et l’esprit affûté du texte original».
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La Roald Dahl company a par ailleurs indiqué avoir travaillé avec Inclusive Minds, un collectif pour l’inclusion et l’accessibilité de la littérature pour enfants. L’auteur, incontournable dans les bibliothèques de nombreux enfants, est décédé en 1990 à l’âge de 74 ans.
Fin 2020, sa famille avait présenté des excuses pour les propos antisémites tenus par l’auteur il y a 40 ans. Le créateur de Matilda ou Le Bon Gros Géant avait notamment fait des déclarations ouvertement antisémites dans une interview au magazine britannique New Statesman en 1983, légitimant l’antisémitisme et semblant trouver des justifications aux crimes d’Hitler.