La rentrée littéraire est la saison des révélations. Il se trouve qu’Eric Chacour , avec son premier roman, Ce que je sais de toi, figurait parmi les coups de coeur du Figaro littéraire. Il vient de recevoir le Prix Femina des lycéens, qui lui a été remis à Rouen pour sa huitième édition. Cette récompense réunit 20 lycées, soit quelque 600 élèves, et 16 librairies indépendantes partenaires.
C’est un premier titre qui a un air de classique. Le style, la narration, l’histoire même forcent l’admiration. L’auteur, Éric Chacour, met en scène Tarek, un jeune médecin égyptien chrétien qui reprend le cabinet de son père décédé. Nous sommes au Caire, dans une famille bourgeoise. De la mère à l’épouse en passant par la petite soeur et la domestique, chacun joue parfaitement son rôle dans une société corsetée. Tout bascule quand Tarek décide d’ouvrir un dispensaire dans un quartier pauvre: il découvre un autre monde, et Ali, un garçon qui se débrouille comme il peut tout en s’occupant de sa mère alitée. Tarek l’initiera non pas à la médecine, mais fera en sorte qu’il devienne son assistant.
On ne peut divulgâcher la suite, mais juste dire qu’un baiser va provoquer une déflagration. Il y a deux tours de force dans Ce que je sais de toi. Le premier est la période sur laquelle se déroule la fiction, de 1961 à 2001, quarante années d’histoire entre Le Caire, Montréal et Boston, par flash-back, sans que cela ne gêne aucunement la fluidité du récit. Le second tour de force est bien plus rare: c’est ce tutoiement quasi permanent du narrateur: est-ce un homme ou une femme qui s’adresse à Tarek, le personnage principal? Est-ce une personne qui le connaît si bien, sa femme, sa mère, la domestique?
«Un premier roman impressionnant de maîtrise et d’émotion.»
Le mystère est entretenu tout le long des deux tiers du roman, jusqu’au moment où l’on passe du «tu» au «je» – cela donne un charme inouï au texte, quelque chose qui met à la fois une tension dans le roman et pose nombre d’interrogations. Au fil des pages, l’histoire prend de la profondeur et de l’épaisseur. Et l’écriture est tout simplement magnifique, presque d’un autre temps. On relit des phrases touchées par la grâce, qui claquent comme des aphorismes: «Les hommes sont des nomades à l’arrêt.» Ou: «Chaque homme porte en lui les germes de sa propre destruction.»
Ce que je sais de toi avait reçu il avait reçu le Prix Première plume. Ce beau texte a été salué par la critique et les jurés des prix Renaudot et Femina (il figurait sur leurs premières sélections); , «Un premier roman impressionnant de maîtrise et d’émotion. Une révélation», estimait Augustin Trappenard dans La Grande Librairie.