Les fiers remparts de la citadelle ont survécu aux trébuchets ayyoubides et aux assauts mamelouks. Ils font désormais pâle figure. Plus d’un mois après le tremblement de terre du 6 février, la forteresse syrienne de Saladin, située dans la province de Lattaquié, dans le nord-ouest du pays, périclite, fragilisée par la catastrophe naturelle qui a endommagé de nombreux autres sites historiques.
Depuis une colline voisine, Zouhair Hassoun observe avec inquiétude les tours de cette forteresse construite au Xe siècle, à l’époque byzantine. «Toutes les tours de la forteresse sont en danger, l’une d’entre elles s’est même effondrée après le séisme», raconte le gardien du monument. Épargnée par la guerre civile qui ravage le pays depuis 2011, la forteresse de Saladin est restée ouverte aux visiteurs jusqu’au séisme qui a tué près de 46.000 personnes en Turquie et au moins 6000 en Syrie.
À lire aussiÀ Mossoul, les cloches recommencent à sonner
Alors qu’il passe sous trois arcs fissurés, Zouhair Hassoun marche avec prudence, et montre la façade de l’immense forteresse inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 2006, avant d’intégrer en 2023 sa liste de patrimoine mondial en danger. «Chaque bloc de pierre pèse au moins une tonne, souligne-t-il. Toute partie de la forteresse qui roulerait dans la vallée ne pourra jamais être récupérée.» Et, prédit-il, «il y aura forcément des éboulements en cas de fortes pluies ou de nouvelle secousse, c’est une question de temps».
Le tremblement de terre a endommagé 40 sites archéologiques et historiques à travers la Syrie, selon la Direction générale des antiquités et des musées (DGAM). Des murs, des plafonds ou encore des tours de châteaux historiques ont désormais des fissures ou se sont effondrés de manière partielle voire totale, selon la DGAM, qui indique que des églises, mosquées et musées – dont plusieurs datent du Moyen-Âge – ont également pâti du séisme.
Au musée national à Damas, le directeur de la DGAM Nazir Awad entoure sur une carte les six provinces les plus touchées par le séisme, dont celle de Lattaquié. «Nous avons dénombré plus d’une quarantaine de sites endommagés», indique-t-il, ajoutant que la citadelle d’Alep et sa Vieille ville sont les plus impactées par le séisme. Certains dégâts nécessitent «une intervention d’urgence pour que ces trésors inestimables ne soient pas perdus», ajoute-t-il.
À lire aussiAlep, Antakya, Sanliurfa: les sites historiques frappés par le séisme
Selon Nazir Awad, une délégation de l’Unesco s’est rendue à Alep peu après le séisme pour inspecter les dommages causés à sa citadelle et à sa Vieille ville, classées en 2018 par l’Unesco, dans sa liste du patrimoine mondial en péril. Les madrassas, les écoles religieuses musulmanes, de la ville ont également été passées en revue. Le séisme du 6 février a notamment abîmé des parties du moulin ottoman et des fortifications du nord-est de la citadelle d’Alep. De larges parties du dôme du phare de la mosquée ayyoubide se sont également effondrées. «Nous avons besoin de toute urgence d’experts sismiques internationaux pour évaluer la situation, insiste Nazir Awad. Les sites ne tiendront pas longtemps si nous n’intervenons pas immédiatement.»
Dans les zones échappant au contrôle des forces gouvernementales, des sites de la province d’Idleb et du nord d’Alep ont subi de «graves dommages», affirme-t-il, se fondant sur le témoignage d’interlocuteurs locaux. Parmi ces sites, figure l’église byzantine de Saint-Siméon-le-Stylite, dans le nord-ouest de la province d’Alep. La partie ouest de cette église – également inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco – a été endommagée et la voûte de sa façade orientale détruite, comme certaines colonnes et décorations, d’après l’archéologue syrien Fayez Qawsara.
Près de la frontière turque, à Harem, une des villes parmi les plus durement touchées par le séisme en Syrie, une citadelle centenaire a subi de graves dommages : quelques murs et arcades d’échoppes la jouxtant ne sont plus que ruines. «Qu’un bâtiment s’effondre, c’est normal. Mais pour une citadelle qui a résisté pendant des centaines d’années à des assauts, c’est étrange et triste», regrette Firas Mansour, enseignant à Harem et passionné d’architecture ancienne.