Chantre actuel de la diversité et du progressisme, Disney n’a pas toujours adopté cette ligne de conduite. Dans un long entretien donné au quotidien britannique The Independent , célébrant les 30 ans de la comédie sportive culte Rasta Rockett, son réalisateur Jon Turteltaub a dévoilé les coulisses assez agitées de la production.
Librement inspiré de la participation de la Jamaïque aux épreuves de bobsleigh aux Jeux olympiques d’hiver de 1988, à Calgary au Canada, le film raconte comment un groupe de sprinters jamaïcains écartés des sélections nationales d’athlétisme pour les JO d’été se lance comme défi de se glisser dans la catégorie… bobsleigh.
Imaginé d’abord comme un drame brut de décoffrage évoquant de front le racisme et l’addiction à la drogue, l’intrigue a été remaniée pour devenir une comédie familiale. Ce n’était pas l’unique ajustement en jeu. Le patron de Disney de l’époque Jeffrey Katzenberg a insisté auprès de Jon Turteltaub pour qu’il laisse tomber l’accent jamaïcain. Jeffrey Katzenberg le trouvait trop marqué et craignait qu’il ne soit pas compris des spectateurs de l’Amérique profonde.
«Jeffrey m’a téléphoné à 1 heure du matin pour me dire : “Si vous n’arrivez pas à infléchir ces accents et à les rendre compréhensibles, je trouverais un autre réalisateur qui s’exécute”», se souvient Jon Turteltaub. Jeffrey Katzenberg lui suggère que les comédiens s’inspirent du phrasé et des cadences de Sébastien, le célèbre crabe et conseiller-chaperon du dessin animé La Petite Sirène. Son doubleur utilisait un accent trinidadien.
Jon Turteltaub n’a d’autre choix que de jouer carte sur table avec ses comédiens : «Le lendemain, je leur ai dit : “Je vais me faire virer si vous ne parlez pas comme Sébastien le Crabe”. S’il vous plaît, ne me faites pas licencier», raconte-t-il. Au final, l’équipe accepte et adopte une élocution américanisée du film «pour que les gens du monde entier puissent le comprendre».
«Ils voulaient que je m’exprime comme un Aladin noir», confie l’acteur principal Leon Robinson. «C’était difficile parce que si quelqu’un veut être authentique, c’est bien moi – mais je suis un professionnel et j’ai obtempéré». «À cette époque, les gens avaient moins accès aux différences culturelles et ne savaient pas vraiment à quoi ressemblait l’accent jamaïcain», note son partenaire Malik Yoba. Malgré cet accouchement aux forceps, Rasta Rockett fut un succès au box-office avec plus de 150 millions de recettes pour un budget dix fois moindre.