Lancer un liquide sur une toile célèbre, c’est vu et revu. Sauf que cette fois-ci, les revendications qui ont motivé la «performance» visant L’Origine du monde ne sont pas environnementales. La performance de Deborah de Robertis, intitulée « On ne sépare pas la femme de l’artiste », serait plutôt féministe. En effet, sur les cinq peintures taguées de l’exposition Lacan, quand l’artiste rencontre la psychanalyse, a été inscrit en lettres rouges le slogan « ME TOO ». Sur une vidéo envoyée par Deborah de Robertis à l’AFP, on peut voir deux femmes vêtues de noir écrire énergiquement ces deux mots, puis les scander à l’envi face à une poignée de visiteurs. Toutes les œuvres étaient protégées par une vitre, comme l’a assuré le Centre Pompidou Metz.

Le service interdépartemental de la police judiciaire de Metz est déjà sur l’affaire. Les deux femmes, nées en 1986 et 1993 et sans antécédents judiciaires, placées en garde à vue lundi après-midi, ont été mises en examen mardi soir, a annoncé à l’AFP le procureur de la République à Metz Yves Badorc. Une information judiciaire a été ouverte pour «dégradation ou détérioration de biens culturels commis en réunion» et «vol d’un bien culturel en réunion», a précisé le magistrat. Deborah de Robertis a revendiqué l’action sur Instagram le soir même : « Je suis l’organisatrice exclusive de cette performance et attends d’être convoquée par les services de police qui savent qui est mon avocate. »

En fait, Deborah de Robertis n’en est pas à son premier coup. En 2014, elle reproduisait L’Origine du monde face au tableau de Courbet au Musée d’Orsay, à Paris. Nouveau scandale en 2016, lorsqu’elle s’était allongée nue devant Olympia d’Édouard Manet. Trois ans plus tard, elle montrait son sexe devant La Joconde, au Louvres. La même année, elle avait défilé à Paris la poitrine nue, habillée d’un sweat rouge, pour symboliser une Marianne moderne, durant une manifestation des Gilets Jaunes. Enfin, à Lourdes, en 2018, elle apparaissait dénudée, simplement vêtue d’un voile bleu imitant celui d’une statue de la Vierge. Ce dernier éclat l’avait exposé à une amende de 2 000 euros.

La performeuse ne s’est pas contentée de peinturlurer quelques toiles. Son groupe s’est aussi emparé d’une pièce d’Annette Ménager, une broderie sur laquelle on peut lire : « Je pense donc je suce ». Le morceau de tissu blanc fait partie de sa série « Ma collection de proverbes », datant des années 1970.

« Je considère que cette œuvre est la mienne », a-t-elle affirmé dans un post Instagram, en ajoutant que « photos et vidéos vont suivre. » Et quelques heures plus tard, l’artiste publiait sur son compte une vidéo mettant en scène le curateur de l’exposition Lacan, Bernard Marcadé.

Elle le présente comme un « teaser du film que j’ai réalisé il y a une quinzaine d’années. » L’historien de l’art, professeur d’esthétique et d’histoire de l’art, critique d’art et commissaire d’expositions indépendantes y joue le rôle principal, affalé dans un lit face à une Deborah de Robertis qui serait « nue ». En voix off, on peut entendre un commentaire de l’artiste : « Ces hommes qui ont glissé leur doigt dans mon sexe, ils imaginaient être cachés à la vue, ils imaginaient être à huis clos. » À la fin du métrage, la caméra vire sur le mur de la chambre, où sont encadrées plusieurs œuvres, dont la fameuse pièce d’Annette Ménager.

Il y a sept mois, la photo qu’elle avait prise en 2014, le sexe à l’air, au Musée d’Orsay, baptisée Miroir de l’origine, avait été refusée par Bernard Marcadé pour l’exposition sur le psychanalyste. Considérant que le curateur portait préjudice à son travail, elle avait fait pression sur le Centre Pompidou Metz jusqu’à être entendue. Miroir de l’origine était bien exposée lundi soir. Deborah de Robertis a même tenu à désacraliser sa propre production, qui n’a pas été épargnée par son équipe.